Paris : Sortie du Conseil des Ministres

Baisse des indemnités maladie, hausse des jours de carence, suppression des catégories… Ce que prépare le gouvernement pour les fonctionnaires

Plusieurs mesures ont d’ores et déjà été annoncées pour faire contribuer la fonction publique aux économies budgétaires. D’autres pistes sont en réflexion, comme la rémunération au mérite ou le licenciement en cas d’insuffisance.
Quentin Gérard

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Le gouvernement demande à tout le monde de prendre sa part dans la réduction des dépenses publiques. Les fonctionnaires n’en sont pas exemptés. Pour atteindre les 60 milliards euros d’économies en 2025, Bercy a détaillé les 5 milliards restants. Ils n’ont pas été inscrits dans le projet de loi de finances par manque de temps et feront l’objet d’amendements au budget. Parmi ces 5 milliards, 1,2 milliard vise la fonction publique. Plusieurs mesures ont déjà été annoncées, notamment la hausse du nombre de jours de carence dans le secteur public ou la baisse des indemnités des arrêts maladies. Mais d’autres changements sont toujours à l’étude.

La suppression des catégories des fonctionnaires en réflexion

Ce mardi 29 octobre, Guillaume Kasbarian, le ministre de la Fonction publique, a affirmé ne pas « jeter à la poubelle » l’idée de supprimer les catégories A, B et C, qui régissent la grille de rémunération des fonctionnaires. « C’est un sujet éruptif, mais on continue à en discuter », a-t-il assuré sur RTL. C’est un élément structurant des carrières des 5,7 millions d’agents publics. Il les classe selon leur niveau de diplôme. Ainsi, la catégorie C, la moins bien rémunérée, est accessible sans diplôme, la catégorie B avec un baccalauréat et la catégorie A avec un Bac + 2 au minimum.

Aujourd’hui, de nombreux agents sont surdiplômés par rapport à la catégorie dans laquelle ils exercent. « Les catégories enferment souvent les agents publics, elles créent des plafonds de verre qu’il est très difficile de casser », justifiait en mai dernier Stanislas Guerini, le précédent ministre de la Fonction publique, qui souhaitait une réforme sur le sujet. (Lire notre article). Sept des huit syndicats de la fonction publique avaient alors réagi en marquant leur refus « d’une remise en cause des garanties statutaires qui permettent la reconnaissance des qualifications et le droit à la carrière ».

Autre proposition portée par son prédécesseur que Guillaume Kasbarian pourrait reprendre : l’accroissement de la rémunération au mérite. Lors de son discours de passation, Stanislas Guerini avait réaffirmé qu’il fallait « faire plus de place à la reconnaissance du mérite dans la fonction publique ». Le licenciement en cas d’insuffisance ou d’un problème grave causé par un fonctionnaire est aussi un sujet « qui n’est pas tabou » pour le nouveau ministre.

Le nombre de jours de carence aligné sur le secteur privé

Dimanche 27 octobre, dans un entretien au Figaro, Guillaume Kasbarian a annoncé vouloir augmenter le nombre de jours de carence des fonctionnaires. Ils passeraient d’un à trois et seraient alignés sur le secteur privé. Une économie chiffrée à 290 millions d’euros. L’objectif évoqué est celui de la lutte contre l’absentéisme dans la fonction publique. « L’année 2022 marque un décrochage entre le public et le privé. En moyenne, il y a 14,5 jours d’absence pour raison de santé par agent public contre 11,7 jours par salarié du privé », ont constaté l’Inspection générale des Finances (IGF) et l’Inspection des affaires sociales (Igas) dans un rapport remis en juillet dernier. Les mêmes chiffres sont aujourd’hui brandis par le gouvernement. A noter que le rapport indique également que « les écarts de taux d’absence entre le privé et le public s’expliquent à 95 % par les caractéristiques des agents (âge, sexe, état de santé) et leurs emplois » pour la fonction publique d’Etat et hospitalière.

Comme rappelé dans notre article, le Sénat a déjà adopté, à plusieurs reprises ces dernières années, un allongement de deux jours du délai de carence des fonctionnaires. A chaque fois, cette mesure a été balayée de la version finale du budget après le déclenchement de l’article 49.3. « C’est une bonne nouvelle de voir que le gouvernement est maintenant prêt à bouger sur ce sujet », a salué Loïc Hervé, sénateur centriste de Haute-Savoie. « Nous avons toujours considéré cet écart entre le public et le privé comme une différence de traitement injustifiée », a ensuite expliqué l’élu.

Autre mesure annoncée par Guillaume Kasbarian, la réduction de 100 à 90 % du remboursement des arrêts pour les trois premiers mois d’un congé maladie ordinaire. Cet ajustement fait gagner 900 millions d’euros à l’Etat. Le but est toujours d’aligner le secteur public sur le privé. Mais ici, quelques différences sont notables. Dans le privé, 90 % de la rémunération est garantie le premier mois, tout dépend ensuite de l’ancienneté du salarié. Dans le public, les trois premiers mois de l’arrêt maladie seront payés à 90 % de la rémunération complète. Après, la rémunération tombe à 50 %, comme le prévoit la loi.

Les syndicats demandent l’ouverture de négociations

Des mesures qui font bondir les syndicats. Ce mardi 29 octobre, les huit organisations représentatives des fonctionnaires ont envoyé une lettre à Guillaume Kasbarian. Elles jugent « ces annonces stigmatisantes » qui « impacteront les agents les plus fragiles » et demandent d’inscrire « le plus rapidement possible à l’agenda une réunion sur les salaires en sa présence ». Les syndicats souhaitent notamment le maintien de la Gipa, une indemnité versée aux fonctionnaires dont la rémunération a progressé moins vite que l’inflation. Le gouvernement envisage sa suppression.

Le même jour, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT a taclé des « propositions populistes » et a appelé à « arrêter le fonctionnaire bashing ». Sur BFMTV, la dirigeante syndicale a expliqué que ces annonces « sont vécues comme une insulte par les plus de 5 millions de fonctionnaires qu’on fait encore une fois passer pour des privilégiés et pour des gens qui choisiraient d’être en arrêt maladie ». Et d’attaquer Guillaume Kasbarian, qui selon elle, « déteste les fonctionnaires ». Le ministre s’en est défendu en indiquant que « les agents publics sont les premières victimes de l’absentéisme. Quand certains ne sont pas là, le travail se répercute sur les autres et ça désorganise le service ».

Plusieurs manifestations pourraient avoir lieu prochainement. Dans un communiqué, FO-Justice appelle « l’ensemble des personnels du ministère de la Justice à se préparer à une mobilisation ». De leur côté, quatre syndicats de la fonction publique hospitalière ont déposé un préavis de grève du 4 novembre au 21 décembre. Et pour sa part, la FSU appelle « les parlementaires à rejeter l’ensemble de ces mesures régressives et mettra en débat, dans le cadre intersyndical, l’appel à des mobilisations les plus larges possibles pour y faire échec ».

Suppression de 4 000 postes d’enseignants

D’autres coups de rabot visent les fonctionnaires. Le projet de loi de finances prévoit de tailler dans les effectifs de l’Etat. L’année prochaine, 4 000 postes d’enseignants seront supprimés. (Lire notre article). Il s’agira notamment de départs en retraite non remplacés. La rue de Grenelle les justifie par la baisse du nombre d’élèves qui devrait s’accélérer l’année prochaine avec 97 000 élèves en moins. Les écoles maternelles et primaires seront les plus touchées avec une baisse de 3 155 postes. Les collèges et les lycées perdront 180 emplois. De leur côté, les écoles privées verront leurs effectifs diminuer de 700 enseignants. Si 2 000 postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicaps (AESH) seront créés, ces personnels n’ont pas le statut de fonctionnaire. L’Education nationale reste tout de même le premier poste de dépenses de l’Etat avec plus de 64 milliards d’euros en 2025.

Les effectifs des différents ministères sont aussi dans le collimateur du gouvernement. Au total, près de 1 200 fonctionnaires en feront les frais. S’y ajoutent plus de 1 000 emplois chez les opérateurs. Avec une suppression de 500 postes, Laurent Saint-Martin (Comptes publics) sera lui-même contraint d’appliquer les principes de rigueur qu’il impose au reste de la fonction publique. Le ministère du travail perdra 90 postes et davantage si on prend en compte ses opérateurs. Le texte prévoit 500 emplois en moins dans les rangs de France Travail. Les opérateurs du ministère de la Culture (Centre national du livre, Centre des monuments nationaux, Centre national du cinéma…) seront, eux, tenus de supprimer 82 postes.

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