Autoroutes : « C’est un demi-milliard de trop que les usagers auront à financer à travers les péages », estime le président de l’autorité de régulation

Auditionné au Sénat, Philippe Richert, président de l’Autorité de Régulation des Transports (ART) est revenu sur la rentabilité des concessions autoroutières et les pistes que l’Etat pouvait envisager pour corriger le tir. L’autorité de régulation appelle surtout à être plus dure dans les négociations avec les concessionnaires dans le cadre des contrats actuels.
Louis Mollier-Sabet

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Alors que l’Etat a demandé au Conseil d’Etat d’étudier les possibilités de recours face à la surrentabilité des sociétés autoroutières, le Sénat auditionnait Philippe Richert, président intérimaire de l’Autorité de Régulation des Transports (ART), et ancien sénateur UMP du Bas-Rhin. Le cœur du problème, ce sont les contrats de concessions entre l’Etat et les sociétés d’autoroute comme Vinci ou Eiffage, qui, que ce soit selon l’ART, l’Inspection générale des Finances, ou la commission d’enquête du Sénat, avantagent trop les concessionnaires. La majorité sénatoriale et le rapporteur centriste de la commission d’enquête appelant à dénoncer les contrats pour en renégocier de meilleurs, tandis que la gauche pousserait plutôt pour une renationalisation. Dans tous les cas, le constat est clair : les contrats actuels confèrent une marge de manœuvre trop importante aux sociétés autoroutières et désavantagent l’Etat.

Des débats autour de la mesure du taux de rentabilité des concessions

« Conclure que la rentabilité des capitaux, engagés sur toute la durée de la concession, est manifestement excessive, est une tout sauf une évidence », a ainsi asséné Philippe Richert devant les sénateurs. L’autorité de régulation calcule en effet un « taux de rentabilité interne du projet » (TRI-projet), qui estime la rentabilité des concessions sur l’ensemble de leur durée (de 64 à 75 ans, d’après Philippe Richert), et par rapport au prix payé au péage par les usagers. « Le TRI Projet permet de répondre à la question : est-ce que le péage permet de couvrir les dépenses liées aux aménagements sur l’ensemble de la concession, majorées d’un bénéfice raisonnable ? » explique le président de l’ART. Concernant les concessions d’autoroutes, le « TRI-projet » a été estimé à 8% par l’ART et s’est avéré « supérieur aux attentes du marché » (7%). Un écart « pas incompatible avec les aléas normaux de la concession. »

L’Inspection générale des Finances et la commission d’enquête sénatoriale avaient choisi une autre approche : « Le taux de rentabilité actionnaires » (TRI-actionnaires), qui « mesure la rentabilité pour les actionnaires actuels de l’acquisition des concessions en 2006 », explique Philippe Richert. « On est plutôt sur une question d’évaluation des politiques publiques, en se demandant si les concessions ont été valorisées à leur juste niveau au moment de la privatisation », détaille le président de l’autorité de régulation. Sur ce chiffre, l’IGF aboutit à 11,3% et le Sénat à 10,4%, des valeurs « comparables », estime Philippe Richert, en précisant qu’il n’est pas dans les mandats de l’ART de répondre sur ce point. L’IGF, comme le Sénat, quant à eux, mettent en avant une « rentabilité hors normes » pour les concessionnaires.

« Nous avons recommandé à l’Etat de réduire de 800 millions les 2 milliards initiaux et été entendus sur 300 millions »

En rentrant dans les détails, Philippe Richert alerte sur les marges de négociation et l’attitude de l’Etat dans la bonne exécution des contrats. « Une gestion rigoureuse permettrait de contenir la rentabilité des concessions durant la prochaine décennie. À l’inverse, un manque de rigueur pourrait permettre une dérive significative et pourrait coûter des milliards d’euros à l’Etat », avertit le président de l’autorité de régulation, en attirant l’attention des sénateurs sur les 17 projets de modification des contrats de concession dont a été saisie l’ART depuis sa création le 1er janvier 2016.

Ces nouvelles obligations pour les sociétés d’autoroutes, adaptation nécessaire pour des concessions aussi longues, devaient être compensées à hauteur de 2 milliards d’euros de hausses de péage, selon les propositions initiales de l’Etat. Une compensation trop importante, a jugé l’ART : « Une partie des travaux compensés par cette somme était déjà prévue dans les contrats initiaux. On allait financer deux fois des travaux par des hausses de péage, c’était un peu cavalier. Nous avons aussi eu des discussions sur le montant des travaux à financer par ces augmentations de tarif. Le tout arrivait à 800 millions. Nous avons donc recommandé à l’Etat de réduire de 800 millions les 2 milliards initiaux. Nous avons été entendus sur 300 millions, c’est toujours ça d’économisé en la matière. »

Philippe Richert se dit ainsi « surpris » de l’attitude de l’Etat dans ces négociations : « Les négociations de gré à gré sans concurrence en cours de contrat sont souvent avantageuses pour le concessionnaire. Sur la hausse cumulée de 1,7 milliard, 500 millions restent discutables pour nous. Nous estimons que c’est un demi-milliard de trop que les usagers auront à financer à travers les péages. »

« C’est une occasion historique de faire évoluer le modèle actuel »

À l’avenir, le président de l’ART appelle l’Etat à « s’assurer du bon déroulement de la fin des concessions », en étant « précis », par exemple sur ce que signifie le « bon état » dans lequel les contrats prévoient que soient les infrastructures autoroutières en fin de contrat. « Il faut engager dès maintenant la préparation de la fin des concessions historiques », prévient-il. Les premiers contrats arrivent en effet à échéance en 2031. « C’est une occasion historique de faire évoluer le modèle actuel. »

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