Atos : quand le gouvernement s’opposait à une nationalisation des activités stratégiques au Parlement

Atos : quand le gouvernement s’opposait à une nationalisation des activités stratégiques au Parlement

Quatre mois après avoir opposé une fin de non-recevoir aux parlementaires qui souhaitaient une acquisition par l’État des secteurs sensibles du fleuron informatique, le gouvernement change d’approche. Dans une lettre adressée à l’entreprise, il se dit prêt à racheter les actifs sensibles.
Guillaume Jacquot

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L’État s’engage pour préserver sous pavillon français les activités stratégiques et sensibles du groupe Atos. Ce dimanche, le ministre de l’Economie et des Finances a annoncé avoir envoyé au géant informatique français, en grande difficulté financière, une lettre d’intention en vue d’acquérir toutes les activités souveraines du groupe. L’objectif est d’éviter que ces dernières « ne passent dans les mains d’acteurs étrangers », a-t-il souligné sur LCI.

Plusieurs activités seraient concernées : les supercalculateurs, utilisés dans les simulations de la dissuasion nucléaire française, les serveurs dans le segment de l’intelligence artificielle, l’informatique quantique ou encore les produits de cybersécurité. Cette lettre d’intention n’a aucune valeur contractuelle. Son principe est de manifester la volonté du gouvernement d’engager des discussions pour aboutir à ces reprises. L’Agence des participations de l’État est chargée de mener l’opération.

Une opération valorisée entre 700 millions et un milliard d’euros

Selon Atos, la valeur d’entreprise de ces activités souveraines, qui représente 10 % des revenus du groupe, se situe entre 700 millions et un milliard d’euros. Le fleuron national a exprimé sa « satisfaction » dans un communiqué ce lundi, estimant qu’une telle opération « protégerait les impératifs stratégiques de souveraineté de l’État ».

Le gouvernement souhaite néanmoins « que l’Etat ne soit pas seul », et compte rallier à sa cause d’autres acteurs français, notamment des entreprises opérant dans les domaines de la défense ou de l’aéronautique.

Cette volonté exprimée par le ministère de l’Économie, à un moment où Atos attend les propositions de refinancement de ses créanciers, tranche avec la prudence voire l’attentisme qui a caractérisé ses réponses durant l’examen du dernier budget. Lors des débats sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, plusieurs parlementaires ont proposé, à travers des amendements, une « nationalisation temporaire des actifs ». Au Sénat, les trois groupes de gauche (socialistes, communistes et écologistes) ont ainsi proposé, le 2 décembre dernier, de réallouer 390 millions d’euros de l’Agence des participations de l’État à cet effet.

Le président de la commission des finances, Claude Raynal (PS), avait d’ailleurs approuvé à titre personnel cette démarche « utile » de la nationalisation temporaire. « Il s’agit donc de peser dans le débat et avoir le Parlement derrière lui peut aider l’État à négocier en position de force », avait-il défendu.

« Nous excluons tout projet de nationalisation », s’opposait Olivia Grégoire

Séance au Sénat le 2 décembre 2023 - débats sur le projet de loi de finances pour 2024

Le gouvernement avait exprimé, pour sa part, une position défavorable aux amendements. « Le ministère de l’Économie et des Finances a déjà eu l’occasion, encore récemment, d’exprimer sa position au sujet d’Atos : nous excluons tout projet de nationalisation […] La nationalisation ne réglerait pas les problèmes opérationnels, financiers ou de rentabilité que peut connaître l’entreprise », avait fait valoir Olivia Grégoire, la ministre chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation.

La ministre a cependant déclaré qu’il y avait un accord « sur le fait que le rôle de l’État » était « de protéger les actifs sensibles ». « Nous n’hésiterons pas à mobiliser le dispositif de contrôle des investissements étrangers en France, si cela est nécessaire et opportun », avait-elle ajouté.

Les amendements n’ont pas reçu le soutien de la majorité sénatoriale de droite et du centre, et ont été rejetés par 227 voix contre 113. La droite avait appelé le gouvernement à faire preuve de transparence dans ce dossier. « Il ne suffit pas de nous dire qu’il y aura un regard de l’État au titre du contrôle des investissements étrangers. C’est quand même la base », s’était exclamé Roger Karoutchi.

En revanche, le même amendement était passé à l’Assemblée nationale un mois et demi plus tôt. Il avait été déposé par le rapporteur PS Philippe Brun. Adopté au moyen du 49.3, l’amendement n’avait pas été retenu par le gouvernement. « Il annonce aujourd’hui exactement ce que nous demandions et c’est une bonne nouvelle », a réagi le député socialiste de l’Eure. Olivier Marleix, le patron des députés LR, a également salué le virage à 180 degrés du gouvernement. « Avec 6 mois de retard, le gouvernement s’y résout. Enfin ! »

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