Aides publiques aux entreprises : une suggestion du patron de TotalEnergies séduit le sénateur communiste Fabien Gay

Auditionné par la commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques, le PDG de Total Energies, Patrick Pouyanné, a estimé que l’État devait poser une condition à un sauvetage de groupes en difficulté. « S’il y a un retour à bonne fortune, il faut rendre » les aides, a-t-il proposé.
Guillaume Jacquot

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Patrick Pouyanné était « quasiment le premier nom » sur sa liste des grands dirigeants à convoquer. Pour le sénateur communiste Fabien Gay, chargé des auditions de la commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises, entendre le président-directeur général de TotalÉnergies, l’une des entreprises les plus robustes du CAC40 qui reçoit comme beaucoup d’autres des fonds publics, était une évidence. « Je savais les désaccords que nous allions avoir, mais – cela va surprendre – des points d’accords, c’est ça qui m’intéresse aujourd’hui », lui a déclaré ce 25 mars le sénateur de la Seine-Saint-Denis.

Et justement, l’une des suggestions du chef d’entreprise a reçu une oreille attentive de la part du parlementaire. Invité à livrer son regard sur les aides publiques versées aux grandes entreprises, et à la façon de mieux les cibler ou de les contrôler, Patrick Pouyanné a formulé une idée que d’autres grands patrons n’auraient probablement pas osé suggérer. « Je pense que l’État est légitime, lorsqu’une entreprise ne va pas bien, à intervenir temporairement, comme il a pu le faire un jour chez PSA, un jour chez Air France. La question pour moi, c’est que l’État devrait conditionner ces aides. S’il y a retour à bonne fortune, il faut les rendre. Il y a un principe qui doit être simple […] Il faut que l’on soit cohérent jusqu’au bout », a-t-il déclaré.

« Pour l’instant, ce discours, on ne l’a pas entendu », relève le sénateur Fabien Gay (PCF)

Plus tôt, lorsqu’il détaillait le type d’aides dont son groupe a bénéficié, le PDG a souligné les vertus des avances remboursables. Au sujet d’un projet d’éolien flottant en mer Méditerranée, TotalÉnergies a par exemple reçu 78 millions d’euros (sur un projet estimé à 330 millions), mélangeant pour moitié des subventions et pour l’autre, des avances remboursables. Un système dans lequel le producteur d’électricité rembourse ensuite les aides à l’État, grâce aux revenus liés à cet investissement. « C’est vertueux, c’est quelque chose d’intéressant pour vous », a souligné Patrick Pouyanné, en direction des sénateurs qui seront amenés à faire des recommandations dans quelques mois.

Avances remboursables, ou encore remboursements lorsqu’une entreprise en difficulté finit au fil du temps par renouer avec les bénéfices, ces quelques pistes ont en tout cas eu l’attention du rapporteur. « C’est cela qui m’intéresse ! Pour l’instant, ce discours, on ne l’a pas entendu », a souligné le sénateur communiste.

« En France, aides publiques veut dire : subventions, papiers, guichets. C’est compliqué », regrette Patrick Pouyanné

Le patron de ce groupe présent à l’international a d’ailleurs vanté les mérites de l’exemple du soutien américain dans le cadre de l’IRA (Inflation Reduction Act), signé sous la présidence de Joe Biden. « Pourquoi ça marche ? C’est un bon exemple d’une aide aux entreprises très bien calibrée », a jugé Patrick Pouyanné, qui préfère la simplicité des crédits d’impôts aux subventions. « En France, aides publiques veut dire subventions, papiers, guichets, c’est compliqué […] Le crédit d’impôt, c’est simple, c’est efficace ». Outre la rapidité de la mise en œuvre, le patron de Total a listé plusieurs avantages à ces allègements fiscaux outre-Atlantique, qui viennent financer des investissements locaux. Ils sont liés à l’obligation d’acheter américain, et les taux des aides sont bonifiés lorsqu’un projet est implanté dans un territoire en difficulté. « Cela mérite d’être regardé », a-t-il encouragé.

De façon générale, le capitaine d’industrie a jugé que les aides publiques en France, s’agissant du soutien aux investissements dans les énergies renouvelables, étaient « déterminantes ». « Il y a peu de chances que l’on investisse pour produire de l’électricité trop chère, si on n’a pas ces soutiens des pouvoirs publics », a-t-il insisté.

« On peut parler aussi de ce que donne TotalEnergies à la France »

Avant de détailler les différentes aides perçues, le patron du groupe énergétique a estimé que l’on pouvait « parler aussi de ce que donne TotalEnergies à la France ». « Nous versons un peu plus de deux milliards d’euros d’impôts et de taxes », a-t-il notamment souligné.

Patrick Pouyanné a d’ailleurs révélé que la mise en place du bouclier tarifaire énergétique, avec l’instauration d’un prix plafond aux clients, avait pénalisé en 2022 son groupe, contraint de s’approvisionner selon les cours du marché. « Ça a été pour nous la première année, 400 millions euros de pertes. Je vous donne ce chiffre pour la première fois. »

Si Patrick Pouyanné et Fabien Gay ont visiblement partagé la même philosophie sur la nécessité de rendre l’argent en cas de « retour à bonne fortune », il n’en est pas allé de même sur la question du maintien des dividendes. Comme à chaque audition, le rapporteur a demandé s’il était normal qu’une entreprise, qui bénéficie d’aides publiques, continue de verser des dividendes en cas de restructurations. « Si je dois m’arrêter de verser des dividendes parce que je restructure – même s’il n’y a pas de licenciements, la réponse est non », a fait valoir le PDG de TotalEnergies. « Si la France se met à conditionner des aides à l’absence de restructurations sur ses sites, les grands groupes en question, et les groupes français ont su le faire, ils iront voir ailleurs », a-t-il averti.

Patrick Pouyanné a toutefois rappelé que pendant la crise sanitaire, son entreprise avait refusé de recevoir des dispositifs de soutien. Une position de « cohérence », selon le PDG. « J’y ai renoncé, à ce moment-là, quand est apparu le débat sur la réduction des dividendes. Cela m’apparaissait assez évident, que si je recevais de l’argent de l’État, parce que j’avais des difficultés, il était difficile que je maintienne les dividendes en l’état. »

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