Grève du JDD suite à l’arrivée prochaine à la tête de sa rédaction de Geoffroy Lejeune, venu de Valeurs actuelles, grève aux Echos pour défendre l’indépendance de la rédaction… L’actualité récente des médias rappelle combien le secteur, déjà fragilisé économiquement depuis des années, traverse régulièrement des zones de turbulence et des tensions. Un secteur qui bénéficie depuis des années des aides de l’Etat. On fait le point sur ces différentes aides, et qui touche quoi.
367 millions d’euros d’aides directes et indirectes à la presse en 2021…
Ces aides sont diverses, pour ne pas dire disparates. Certaines sont directes, d’autres indirects. Dans les aides directes, il en existe plusieurs types, qu’on peut diviser en trois : les aides à la diffusion, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation. Au total, l’ensemble des ces aides représentait 118,1 millions d’euros, dans le projet de loi finances 2021, comme le relève un rapport d’information de juin 2021 du sénateur LR Roger Karoutchi.
Dans le détail, les aides à la diffusion s’élevaient à 39,4 millions d’euros en 2021. Il s’agit aux deux tiers d’une aide au portage. Les aides au pluralisme totalisent 23,2 millions d’euros (aide aux quotidiens nationaux et régionaux à faibles ressources publicitaires, aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale, aide pour les titres ultramarins, aide aux services de presse en ligne).
A noter qu’il faut avoir le titre de presse d’information politique et générale pour toucher des aides. La presse magazine musicale par exemple, dont certains titres sont en difficulté, n’est pas aidée, alors que le magazine Trax, titre historique pour la couverture des musiques électroniques, vient d’annoncer mettre la clef sous la porte.
Quant aux aides à la modernisation, à hauteur de 55,5 millions d’euros selon le rapport de la commission des finances du Sénat, elles couvrent aussi bien l’aide à la modernisation sociale, que l’aide à la modernisation de la distribution (27,8 millions d’euros fléchés vers France Messagerie, qui a succédé à Presstalis, après sa liquidation judiciaire en 2020), des diffuseurs, ou le fonds stratégique pour le développement de la presse et celui pour le soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse.
… dont 161 millions d’euros de dépenses fiscales
A ces 118,1 millions d’euros d’aides directes, il faut y ajouter les aides à la distribution, qui se traduit par une compensation versée à La Poste pour sa mission de distribution de presse, soit 87,8 millions d’euros en 2021. Il s’agit ici d’une aide indirecte.
Autre aide indirecte : les dépenses fiscales. En 2021, elles sont de l’ordre de 161 millions d’euros, toujours selon le rapport de Roger Karoutchi. On y trouve aussi bien le taux de TVA « super réduit » de 2,1 %, que les abattements pour les journalistes et les colporteurs, des crédits d’impôt pour les particuliers (pour un premier abonnement par exemple) et les entreprises.
Au total, l’ensemble des aides à la presse, directes et indirectes, représentent donc 366,9 millions d’euros en 2021. A noter que suite à la crise sanitaire, qui est venue compliquer encore davantage la situation, le secteur a bénéficié d’aides conjoncturelles à l’occasion du plan de relance (à hauteur de 140 millions d’euros en autorisation d’engagement et 70 millions d’euros en crédits de paiement).
Comme le relève le rapport, l’argent public prend une place de plus en plus grandissante dans l’économie du secteur. « Hors dépenses fiscales, les aides à la presse représentaient, avant la mise en place de nouveaux dispositifs dans le cadre du plan de relance, 21,4 % du chiffre d’affaires du secteur, soit une progression de 6 points sur les dix dernières années », note le rapport.
Aujourd’hui en France/Le Parisien, Le Figaro, Libération et Le Monde, les titres les plus aidés…
Depuis quelques années, le ministère de la Culture donne les chiffres précis des aides, selon les titres. On connaît par encore les chiffres 2022, qui seront communiqués d’ici quelques semaines. Concernant l’année 2021, 431 titres ont bénéficié d’aides de l’Etat.
Toutes aides confondues, le titre de presse qui a touché le plus d’argent public est Aujourd’hui en France, avec 11.897.000 euros (+ 1.623.000 euros pour Le Parisien/leparisien.fr), soit environ 13,5 millions d’euros. Viennent ensuite Le Figaro, avec 7,7 millions d’euros d’aides, Libération (6,7 millions), Le Monde (5,9 millions), L’Humanité (5,1 millions), La Croix (4,9 millions), Ouest-France (2,3 millions), Les Echos (2,2 millions), L’Opinion (2,1 millions), Sud-Ouest (2,1 millions), Le Journal du Dimanche (1,9 million), Le Dauphiné Libéré (1,4 million).
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Le Point reçoit 1,1 million, Marianne 996.000 euros, L’Equipe 980.000, L’Express 811.000, 20 Minutes 577.000, Charlie Hebdo 304.000, Paris Match 287.000, Alternatives Economiques 250.000 euros et L’Obs 183.000 euros. A noter qu’à l’antépénultième place, Alternative Libertaire perçoit de l’Etat 1.898 euros. En dernière position, c’est L’Eco de l’Ain qui reçoit le moins de subsides publics, avec 1.162 euros en 2021.
… mais ramené à la diffusion, c’est L’Humanité qui est le mieux loti
Si on ramène le niveau des aides en fonction de la diffusion annuelle, le titre le plus aidé est un quotidien : c’est L’Humanité, suivi d’Aujourd’hui En France, La Renaissance (hebdomadaire de Saône-et-Loire), de Sciences Humaines, d’Alternatives Economiques, de Stratégie, de la Tribune de Lyon. A noter que le Journal du Dimanche (JDD) arrive à la 8e place des titres les plus aidés en fonction de leur diffusion, suivi de Libération.
Toujours ramené à la diffusion, La Croix est à la 15e place, Marianne à la 20e, Le Point à la 32e, Le Figaro à la 33e place, L’Express à la 35e place, Les Echos sont 36e du classement. Sud-Ouest n’est qu’à la 99e place, L’Obs à la 147e.
Les titres détenus par Bernard Arnault, première fortune mondiale, ont reçu 15,7 millions d’euros en 2021
Si l’on compte par propriétaire, pour ne pas dire par milliardaire, ce sont les titres détenus par le PDG de LVMH, Bernard Arnault (Le Parisien, Les Echos), qui sont le mieux lotis, avec un total de 15,7 millions d’euros.
Le groupe Le Monde, détenu par Xavier Niel et en partie par Daniel Kretinsky, totalise avec ses titres (Le Monde, Télérama, Courrier International, La Vie, Le Monde Diplomatique) 7.767.000 euros d’aides, auxquels s’ajoutent les aides à L’Obs (détenu par les mêmes actionnaires sans faire partie du groupe), avec 183.000 euros. Quant au Figaro, détenu par la famille Dassault, il a reçu 7.724.000 euros. Le JDD, sur lequel Vincent Bolloré a mis la main, avait touché 1,9 million en 2021.