« Vous pouvez y aller, nous sommes tout seuls, personne ne nous regarde. Vous pouvez vous lâcher ! ». La boutade, adressée à Luc Rémont, le président-directeur général d’EDF, est venu de Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis. Auditionné au Sénat, ce mercredi 9 novembre, le dirigeant de l’entreprise publique, en poste depuis presqu’un an, a été interpellé par l’élu qui lui a demandé de partager sa vision sur la transformation de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH). Les tractations entre l’Etat et EDF sur la régulation des prix de l’électricité, alors que le mécanisme actuellement en vigueur doit disparaitre d’ici deux ans, se poursuivent dans un climat relativement tendu selon plusieurs médias, certains se faisant même l’écho d’une menace de démission de la part de Luc Rémont.
« Ce qu’il nous faut, c’est être capable d’inventer des règles qui fonctionnent, et je pense que nous n’en sommes pas loin », a voulu rassurer le PDG devant la Haute assemblée. « Il est clair qu’un système dans lequel l’opérateur industriel EDF a l’obligation de vendre les deux-tiers de sa production nucléaire en dessous de ses coûts n’a pas d’avenir. »
Un mécanisme inadapté à la nouvelle stratégie énergétique
Mis en place en 2011, l’ARENH contraint EDF à vendre à un tarif réglementé une partie de l’électricité produite par le parc nucléaire aux autres fournisseurs, l’objectif étant de garantir une mise en concurrence entre les différents acteurs du marché, en conformité avec les règles européennes, à rebours du monopole de production détenu par l’entreprise pendant pratiquement six décennies.
Le hic : EDF affiche aujourd’hui une ardoise de 65 milliards d’euros, alors que l’entreprise doit dégager des marges d’investissement pour participer au financement de la relance du programme nucléaire français, avec la construction de six EPR pour 50 milliards d’euros et un programme de renforcement des installations existantes – le « grand carénage » – évalué à 65 milliards d’euros.
L’élaboration d’un nouveau mécanisme de régulation des prix s’apparente donc à un véritable exercice d’équilibriste, entre, d’un côté, la volonté de garantir un coût de l’électricité supportable pour les entreprises et les ménages, et de l’autre permettre à EDF d’avoir les marges de manœuvre nécessaires à son développement.
« De la pérennité, de la stabilité et de la visibilité »
La mise au point d’un nouveau projet de régulation « est une question de jours », a confirmé ce mercredi matin le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, selon des propos rapportés par Le Figaro, en marge des Assises de l’industrie organisées par l’Usine Nouvelle. « Tout le travail en cours est destiné à trouver un remplacement au dispositif de l’ARENH qui fasse la satisfaction des parties prenantes. Si on allait vers des règles perçues comme un nirvana potentiel pour EDF, qui serait libre de faire ce qu’il veut, et qui ne satisfont pas les clients, cela ne tiendrait pas longtemps », a admis Luc Rémont devant les sénateurs.
« Il faut quelque chose qui donne de la pérennité, de la stabilité et de la visibilité à tout le monde », explique le PDG, qui insiste sur la nécessité d’une « vision à long terme ». « C’est bon pour les clients et c’est bon pour EDF, et c’est pour cela que nous poussons dans cette direction », souligne cet ancien haut-fonctionnaire. « Cela doit être complété par des garanties ou des capacités de contrôle données aux pouvoirs publics pour rester dans des domaines qui sont cohérent avec notre économie de l’électricité et l’économie d’EDF aussi », a-t-il encore ajouté.