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4 000 postes d’enseignants seront supprimés à l’Education nationale : « Une cure d’austérité qui n’épargne pas l’école »

Le projet de loi de finances soumet l’Education nationale au régime le plus stricte sur le nombre de postes de la fonction publique d’Etat. 4 000 emplois d’enseignants seront supprimés en 2025. De l’autre côté, 2 000 postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) seront créés.
Quentin Gérard

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Pour assainir les comptes publics, l’Education nationale sera particulièrement mise à contribution. Le projet de loi de finances 2025, présenté jeudi 10 octobre en Conseil des ministres, prévoit la suppression de 2 200 emplois dans la fonction publique d’Etat. La rue de Grenelle sera soumise au régime le plus stricte avec 2 000 postes en moins. Soit 90 % des emplois concernés. Il s’agira de départs en retraite non remplacés, comme de non-renouvellement de contractuels.

Le premier degré public (maternelle et primaire) est le plus touché avec une baisse de 3 155 postes. Le second degré (collège et lycée) perd, lui, 180 emplois. Du côté de l’école privée, le premier degré diminue de 660 enseignants et 40 pour le second. Si l’Education nationale voit la suppression de 4 000 postes d’enseignants, 2 000 emplois d’AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) seront créés. Ce qui explique le solde net du ministère à 2 000 professionnels en moins. Globalement, le premier budget de l’Etat reste stable par rapport à l’année précédente. Il s’élève à 63 milliards d’euros mais n’est pas revalorisé avec l’inflation.

97 000 élèves en moins en 2025

Le gouvernement justifie cette réduction de postes d’enseignants par la démographie. « La baisse du nombre d’élèves devrait s’accélérer avec 97 000 élèves en moins à la rentrée 2025 », souligne Laurent Saint-Martin, ministre en charge des Comptes publics. Colombe Brossel, sénatrice socialiste de Paris, n’entend pas cet argument. L’ancienne responsable de formation dénonce « une cure d’austérité qui n’épargne pas l’école ». Pour elle, la baisse démographique était « une occasion formidable pour travailler et agir sur le nombre d’élèves par classe ». Et de poursuivre : « On ne peut pas continuer à avoir des ministres qui nous expliquent que c’est important d’avoir des classes réduites et qui baissent le nombre de professeurs dans le même temps ».

Au contraire, pour Max Brisson, sénateur Les Républicains des Pyrénées-Atlantiques, le raisonnement de Bercy est pertinent. « Pour un ministère qui compte 1 200 000 fonctionnaires, en supprimer 4 000, c’est un trait de plume. Ça ne se verra pas. On ne peut pas réduire la dépense publique sans mettre à contribution tous les ministères », souffle-t-il. L’ancien inspecteur de l’Education nationale veut « changer le logiciel de l’école ». « Ce n’est pas le nombre de fonctionnaires qui fait la qualité de l’institution. Les moyens ont augmenté de 6 % sous François Hollande et de 11 % sous Emmanuel Macron. Pourtant, l’école ne cesse de dégringoler », se désole l’élu.

De son côté, Bernard Delcos, sénateur centriste du Cantal, « n’accepte pas cette mesure en l’état ». Il explique que « certes, la démographie est en baisse, mais ce n’est pas linéaire. Ce n’est pas parce qu’on perd quelques élèves dans une classe qu’il faut supprimer la classe en question ». L’ancien maire de Chalinargues déplore que « cette mesure va tomber comme un couperet au moment de la carte scolaire. On a pourtant besoin d’une prévisibilité à trois ans, c’est inscrit dans le plan France ruralité ». Et de plaider pour « revoir cette annonce. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas supprimer des postes, mais une simple approche comptable ne suffit pas ».

« Ce budget annonce un renoncement à la réussite de tous »

A l’annonce du budget et de la baisse des enseignants, les syndicats ont laissé éclater leur colère. Guislaine David, co-secrétaire général de SNUipp-FSU, dénonce « un sabordage de l’école publique ». Elle poursuit : « Si des économies de 60 milliards d’euros avaient déjà été annoncées, rien ne laissait envisager que le ministère de l’Education nationale allait être désigné comme le principal contributeur. Le gouvernement avait annoncé que les emplois de fonctionnaires supprimés ne seraient pas en contact direct avec le public. C’est pourtant l’inverse qui va se produire ».

Le syndicat majoritaire s’alarme que les 3 155 postes bientôt supprimés dans le premier degré s’ajoutent aux 1 317 suppressions des deux dernières années. « Les conséquences sont nombreuses. Taux d’encadrement, effectifs par classe, remplacement, formation ou encore enseignement spécialisé », énumère Guilsaine David. Et de poursuivre : « L’école française souffre déjà d’un manque d’investissement chronique comme le montrent les comparaisons internationales. Ce budget annonce donc un renoncement à la réussite de tous ».

« L’école a trop souffert du ‘en même temps’macronien »

L’année dernière, le projet de loi de finances 2024 prévoyait la suppression de 2 500 postes d’enseignants. La justification par la baisse démographique était la même. Le ministère estimait le nombre d’élèves en moins à 83 000. Mais pour la mise en œuvre de la réforme du « choc des savoirs », Gabriel Attal avait décidé d’annuler la suppression de 484 emplois prévus dans le second degré et d’en créer 574. Auparavant, l’Etat avait supprimé 1 500 postes en 2023 et près de 2 000 en 2022.

Anne Genetet, la nouvelle ministre de l’Éducation nationale, assure que « l’école restera le premier budget de la nation ». Mais elle est pointée du doigt pour son manque d’expérience. « Ce n’est pas une spécialiste du secteur, ni une élue avec suffisamment d’envergure pour porter des réformes en faveur des enfants. Je me demande quel projet la ministre va mener », s’interroge Colombe Brossel, sénatrice PS de Paris. Questionnement identique de Max Brisson, sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques. « Je ne doute pas de sa bonne volonté, mais il faut qu’elle passe d’un discours bienveillant à des actions concrètes. L’école a trop souffert du en même temps macronien. On a eu l’école de l’autorité avec Jean-Michel Blanquer, l’école de la bienveillance avec Pap Ndiaye, le retour de l’autorité avec Gabriel Attal et le retour de la bienveillance avec Nicole Belloubet. J’attends maintenant à nouveau le retour de l’autorité », plaide le conseiller général des Pyrénées-Atlantiques.

AESH : « Ce n’est pas à la hauteur des besoins, mais c’est mieux que rien »

Au sujet des AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap), les acteurs sont plutôt unanimes : il manque des postes. Pour faire face à ce problème, 2 000 personnes seront recrutées en 2025. « Ce n’est pas à la hauteur des besoins, mais c’est mieux que rien », se résigne Colombe Brossel, sénatrice et conseillère de Paris. « On a été submergé à la rentrée. Beaucoup d’enfants ne pouvaient pas effectuer leur scolarité par manque d’AESH », poursuit-elle. Pour Max Brisson, « on est encore loin de l’objectif de l’école inclusive. C’est nécessaire, mais pas assez », indique le sénateur LR qui souhaite « une réflexion sur le rôle de l’école inclusive ».

Ces créations de postes ne sont pas suffisantes pour Josiane Coudrais, membre du syndicat FSU 94. « Rien que dans mon département, dans le Val-de-Marne, il manque 2 000 AESH », explique-t-elle. « L’année dernière, ils ont déjà créé 3 000 postes à l’échelle nationale. Un grand nombre n’a pas trouvé preneur. Et quand ils trouvent, les personnes ne tiennent pas plus d’un mois. Elles touchent 900 euros par mois, travaillent dans des conditions impossibles et tombent en dépression », indique celle qui pense aussi à arrêter son métier.

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