Des adieux ? Nicoletta n’en veut pas. Elle trouve cela « ridicule ». A 80 ans passés, celle qui a connu toutes les périodes musicales d’après-guerre, s’imagine désormais sur scène, accompagnée d’un orchestre philharmonique. Si elle reconnaît que « ça coûte de l’argent », elle s’enthousiasme : « ça ne fait rien, le public le mérite ».
Aujourd’hui où l’ensemble de son répertoire sort en intégrale, elle reste pleine d’humilité sur la pérennité de son œuvre. Si « on oublie Brassens » qu’« on oublie Brel et bientôt Aznavour », elle en est « persuadée », les gens l’oublieront aussi. Pour elle, seule une femme restera dans les mémoires : « Madame Piaf ».
Et pourtant, la carrière de Nicoletta a tout pour passer à la postérité. Ray Charles, Johnny Hallyday, Adamo, Bécaud… elle a collaboré avec les grands noms de l’époque et ses chansons font désormais partie du patrimoine musical français. « Mamy Blue », « Il est mort le soleil » … avec sa voix rauque, elle a su conquérir le cœur d’un public toujours fidèle.
Un succès loin d’être évident. Et pour cause : le « yéyé » des années 1960 était porté par des voix fluettes, alors qu’elle a une voix « cassée » et « voilée », celle des « italiennes et de toutes les filles du bassin méditerranéen », revendique-t-elle. Cela ne l’empêche pas de faire les premières parties des concerts en tête d’affiche. A l’époque elle est ce que l’on appelle une « ouvreuse de strapontins ». La chanteuse se souvient notamment de sa tournée avec Johny Hallyday, durant laquelle elle a souffert d’être la seule femme. Au milieu des musiciens, avoue-t-elle « je me suis mise à parler comme un charretier ». Elle a fini par appeler sa coiffeuse pour avoir une « présence féminine » : « je lui ai dit écoute, je te paye l’hôtel, tu viens, je n’en peux plus (…), j’en avais assez de tous ces machos ».
Des rencontres déterminantes
Rien ne prédestinait la petite fille originaire de Haute-Savoie à devenir la star de la chanson française que nous connaissons aujourd’hui. Lorsque jeune femme, elle monte à Paris, elle est attirée par le monde des artistes. Un « âge d’or de la musique » en France. Dans les années 60 la capitale est une ville foisonnante pour les musiciens « à Saint-Germain des Prés et au Quartier latin », s’exclame-t-elle.
De cette époque, elle se souvient de ses rencontres d’alors au quartier des Halles, comme celle avec Jimmy Hendrix avec qui elle partage des soupes à l’oignon, tard dans la nuit, après ses concerts. Des rencontres qui lui permettent de franchir des étapes et d’accéder au devant de la scène, comme lorsqu’elle rencontre Ray Charles au Canada. Le chanteur américain lui témoigne de sa curiosité pour sa chanson « Il est mort le soleil », avant de décider d’en faire une version en Anglais. Alors que « les gens de radio ne la passaient pas, parce qu’ils trouvaient qu’elle plombait l’ambiance », la reprise va propulser l’original en tête des hits.
« Quand je chante, je me sens vivante »
Un succès qu’elle doit aussi à sa collaboration avec Jean Bouchéty, son directeur artistique et grand musicien de jazz, « il avait du goût pour l’époque » revendique-t-elle. Aujourd’hui, les directeurs artistiques « sont chefs de produit. Ça n’a rien à voir. Ils sont doués pour certaines choses, mais pas pour la musique » regrette-t-elle.
Mais de ces années de scène, Nicoletta apprécie par-dessus tout le contact avec les spectateurs « il y a une chose qui me plait, quand je sors de scène et qu’un individu me dit : vous avez bien chanté, vous m’avez donné le frisson. C’est beau, plus beau que les applaudissements, c’est merveilleux. Peut-être que je chante pour entendre ça : vous m’avez donné une émotion ».
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