Pour informer, elle a échappé à la mort une bonne douzaine de fois. Aujourd’hui, elle revient sur les moments qui ont marqué sa carrière dans un livre, Maman s’en va t’en guerre(ed.du Rocher). Sa condition de femme reporter de guerre dans un milieu historiquement masculin, sa volonté de concilier métier et maternité ou ses combats féministes ; la reporter de guerre Dorothée Olliéric se raconte au micro de Rebecca Fitoussi, cette semaine, dans « Un monde, un regard ».
Les BookTok, ces vidéos TikTok qui réconcilient les jeunes et la lecture
Par Samia Dechir
Publié le
Le principe est simple. Des jeunes lecteurs qui se filment avec leurs smartphones, et racontent dans une courte vidéo leur dernier coup de cœur littéraire. C’est un BookTok, contraction de « book », « livre » en anglais, et « tok » pour TikTok. Sur ce réseau social très prisé des adolescents, le hastag BookTok cumule plus de 150 milliards de vues. Une véritable communauté mondiale de lecteurs.
Pauline, 20 ans, alias @lectrice_a_plein_temps, compte plus de 46 000 abonnés sur TikTok. Nous la retrouvons là où elle enregistre la majeure partie de ses vidéos : sa chambre. Face caméra, elle conseille la lecture de son dernier coup de cœur : les trois tomes de la saga Hunger Games (plus connue pour son adaptation au cinéma) dont elle recommande la lecture.
Un lit recouvert de peluches, une bibliothèque, le décor est intimiste et le style direct. Une vidéo BookTok n’a rien à voir avec une critique littéraire classique. « On est un peu moins sérieux, on recommande un livre comme si on parlait à une amie, on choisit moins nos mots », raconte Pauline, qui enregistre parfois ses vidéos BookTok en pyjama.
Passionnée de lecture depuis son plus jeune âge, elle partage aujourd’hui son temps entre ses études de lettre à la faculté de Tours, un job de bibliothécaire … et ses BookTok. Des vidéos qui lui rapportent 50 centimes à un euro pour 1000 vues. « Par exemple pour une vidéo d’une minute qui a fait 60 000 vues, j’ai gagné 31 euros » précise la jeune femme. TikTok lui rapporte 50 à 300 euros par mois. Un argent de poche bienvenu, mais pas assez pour gagner sa vie. Son but, c’est d’abord d’encourager les jeunes à lire des romans. « Moi je le fais pour partager ma passion. [Je veux] donner envie aux jeunes de lire. On entend toujours que les jeunes ne lisent pas. Et bien si, ils lisent ! ».
D’autres influenceurs ont réussi à en faire leur métier. Audrey, 26 ans, est présente depuis 10 ans sur les réseaux sociaux. Elle en vit depuis trois ans, grâce à son compte @lesouffledesmots actif sur Tiktok, Youtube et Instagram. Au départ, elle voulait juste rencontrer d’autres passionnés de lecture. Désormais, elle essaie surtout d’amener à la lecture un public surtout habitué des écrans. « Les jeunes de quinze ans n’écoutent pas la radio, ne regardent pas la télévision. Le seul moyen de leur faire aimer la lecture, ce sont les réseaux sociaux ». Et ça fonctionne. « Toutes les influenceuses que je connais ont déjà reçu des messages du type “Je suis tombé sur ta vidéo par hasard, j’ai lu le livre et maintenant j’en lis plein” ». Certaines de ses vidéos ont dépassé le million de vues. Mais ses revenus, elle les tire d’abord de ses partenariats rémunérés avec des maisons d’édition : de 500 à plusieurs milliers d’euros pour recommander un ouvrage qu’elle a aimé.
Pour les éditeurs, le phénomène BookTok est une aubaine, capable de faire décoller les ventes d’un livre. En 2018, le roman « Et ils meurent tous les deux à la fin » d’Adam Silvera s’était écoulé à 7000 exemplaires à sa sortie. Puis, un Booktok a provoqué un véritable emballement. « On en est maintenant à plus de 100 000 ventes, l’effet a été incroyable, et ce qui est rigolo c’est que cet effet a eu lieu trois ans après la sortie du livre » se souvient Elsa White, éditrice pour la collection « R » (jeunes adultes) de Robert Laffont.
La vidéo à l’origine de ce succès n’a pas été postée par une star des réseaux sociaux, mais par un jeune ému aux larmes après la lecture de l’ouvrage. Devenu viral, son BookTok en a inspiré des centaines d’autres dans un effet boule de neige. « Un des éléments qui se retrouve dans toutes les vidéos BookTok, c’est l’émotion » remarque Elsa White. « Beaucoup de vidéos représentent des lecteurs en train de pleurer, ils expliquent à quel point ce livre les a détruits émotionnellement, et c’est vraiment ce que recherchent les lecteurs sur TikTok : des livres qui vont les bouleverser ».
Si elles n’en maîtrisent pas les codes, les maisons d’édition ont appris à travailler avec TikTok. Grâce à leurs partenariats commerciaux avec des influenceurs, leurs titres sont mis en avant dans des vidéos jugées plus authentiques par le public qu’une critique littéraire classique. Un BookTok réussi peut devenir un argument marketing en librairie pour vendre un livre estampillé « succès sur TikTok ».
A revoir sur le même sujet, notre émission « Avoir vingt ans » consacrée ce mois-ci à la lecture chez les jeunes , diffusion le 5 décembre à 17h.
Pour aller plus loin