« La compétition entre les filles, c’est une invention du patriarcat » lâche Imany

Dans sa voix, on retrouve la gravité de Tracy Chapman, l’énergie de Nina Simone et la chaleur de Lauryn Hill. Une voix grave, qui l’a complexée de nombreuses années, mais qui lui offre aujourd’hui une carrière internationale. Pourtant, rien ne prédestinait cette ancienne mannequin à enchainer les tournées. Si on la dit jazz, folk, R&B, et parfois même mystique, elle demeure inclassable. Une artiste complète, aux influences multiples et qui raconte un parcours semé d’embûches et d’hésitations. Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit la chanteuse Imany dans l’émission d’entretien Un monde, un regard.
Axel Dubois

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

On pourrait la prendre pour une chanteuse américaine, tant elle manie mélodieusement les mots et les charmes de la langue anglaise : « Ma culture musicale est avant tout anglo-saxonne », confie-t-elle. Quoi de plus naturelle pour une artiste inspirée par les plus grandes voix américaines que de préférer Shakespeare à Molière : « Le Français est une langue qui supporte très mal le premier degré. En Anglais on peut chanter qu’on coupe des tomates dans sa cuisine : ça sonne, le groove est presque plus important que le sens. » affirme-t-elle. Une différence qui tiendrait à « l’exigence du Français » selon elle, qui « supporte mal la médiocrité ».

 

Une enfance au tempo militaire

« N’importe quoi, on n’est pas venus des Comores ta mère et moi pour que tu sois chanteuse ! » : c’est à peu près comme cela que son père aurait réagi s’amuse-t-elle. Ce rêve d’enfant qui détonnait dans l’ambiance militaire familiale, elle le gardera longtemps dans un coin de sa tête avant d’en faire un métier, n’en déplaise à ses parents : « J’ai toujours voulu être chanteuse, je le savais très tôt ».

À l’internat de jeunes filles où elle passe une large partie de sa scolarité, l’ambiance n’est pas non plus à la rêverie : « On vous apprend à devenir une bonne épouse ». Des années qu’elle regarde aujourd’hui d’un œil amusé, bien qu’« ultra-révoltée » lorsqu’elle en sort : « On était quand même contents du cours de tartes aux pommes, il faut pas croire. Et c’est pas mal maintenant quand je reçois les gens chez moi ».

 

L’indépendance

Puis il y eut un livre : Les Mémoires d’une jeune fille rangée, de Simone de Beauvoir. Une révélation, un choc : « A 14 ans, je comprends que je ne suis pas obligée d’être maitresse dans l’art de passer la serpillère et faire la vaisselle, que mon destin n’est pas d’être l’épouse de quelqu’un, que ma destinée est beaucoup plus entre mes mains que je ne le crois » confie-t-elle. Ce féminisme inaltérable, elle le tire de ces années-là, ces années auprès des femmes : « Je ne connais que la sororité moi. La compétition entre les filles, je n’ai jamais connu ça, c’est une invention du patriarcat » lâche-t-elle.

A 17 ans, repérée dans le métro, elle se lance dans le mannequinat. Occasion pour elle de s’émanciper et partir vivre à New York, dont elle ne reviendra que 9 ans plus tard. Des années de mannequinat, de petits boulots, mais surtout de musique : « Aux Etats-Unis c’est mon apprentissage, mon déclic. Je commence à prendre des cours de chants, à apprendre à écrire des chansons – je ne connaissais rien du tout de la musique ». Ces années américaines, c’est en France qu’elle les mettra à profit : « Mon temps à New York était terminé. La France commençait à me manquer, et ma famille aussi. ». Animée d’une foi inébranlable, elle se baptise « Imany » – « ma foi » en arabe – et se lance : « J’ai dû faire toute seule avec ma sœur à l’époque (…) créer des opportunités, des show-cases entre nous, avec le peu d’argent que j’avais, jusqu’à ce qu’un producteur me repère et me signe. ». Très vite le succès, les tournées s’enchainent, et sa carrière prend une envergure internationale. Preuve que “des voix atypiques, dites d’homme, peuvent toucher les gens”, à l’image d’une Tracy Chapman.

 

Retrouvez l’intégralité de l’émission ici.

Dans la même thématique

« La compétition entre les filles, c’est une invention du patriarcat » lâche Imany
3min

Culture

« Mon combat féministe n'est pas en France, il est en Afghanistan » déclare la grand reporter Dorothée Olliéric 

Pour informer, elle a échappé à la mort une bonne douzaine de fois. Aujourd’hui, elle revient sur les moments qui ont marqué sa carrière dans un livre, Maman s’en va t’en guerre(ed.du Rocher). Sa condition de femme reporter de guerre dans un milieu historiquement masculin, sa volonté de concilier métier et maternité ou ses combats féministes ; la reporter de guerre Dorothée Olliéric se raconte au micro de Rebecca Fitoussi, cette semaine, dans « Un monde, un regard ».

Le

French president visit  Notre Dame cathedral in Paris
6min

Culture

Discours de Macron sur le parvis, messe, concerts... A quoi va ressembler la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris ?

Après plus de cinq ans de travaux, Notre-Dame de Paris rouvrira ses portes le 7 décembre à l’occasion d’une cérémonie laïque, religieuse, puis artistique. Avant cela, « des images inédites » de l’intérieur de la cathédrale restaurée seront présentées le 29 novembre, alors qu’Emmanuel Macron réalisera sa dernière visite de chantier.

Le

« La compétition entre les filles, c’est une invention du patriarcat » lâche Imany
3min

Culture

« Le gouvernement Barnier pourrait m’inspirer un prochain spectacle » lâche Stéphane Guillon

On l’a connu acide, moqueur, dur parfois à l’excès. Aujourd’hui il se raconte dans un livre et incarne sur scène l’un des protagonistes du roman Inconnu à cet adresse. Mais chez Stéphane Guillon, la flèche et le bon mot ne sont jamais loin. Au micro de Rebecca Fitoussi dans l’émission "Un monde, un regard", il revient sur la dissolution, le gouvernement Barnier et les soles meunières du président de la République à la Rotonde.

Le

Le PNR du Pilat fete ses 50 ans
6min

Culture

Un rapport sénatorial appelle à mieux protéger la liberté d’expression des artistes face aux diverses formes de censure

La commission de la Culture a évalué le volet consacré à la « culture » de la loi LCAP, relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, adoptée en 2016. Les sénateurs saluent ce texte, mais demandent de davantage lutter contre la censure que subissent les artistes et de replacer la création artistique au cœur des politiques publiques culturelles.

Le