« Je me sens français dans l’âme » affirme le poète d’origine guinéenne Falmarès

Il est une étoile montante de la poésie. Un genre littéraire peu commun à notre époque, qu’il manie avec une facilité déconcertante. Peut-être parce que les mots et les vers qu’il compose sont comme un exutoire pour raconter sa propre histoire, aussi dure que romanesque. Celle d'un jeune guinéen, jeté à 15 ans sur l'une des routes migratoires les plus dangereuses du monde, en Méditerranée, pour échapper à la violence. La poésie comme instrument de résilience, mais aussi son attachement à la France et à la culture française, sont autant de sujets que Falmarès évoque avec Rebecca Fitoussi, cette semaine, dans l’émission « Un monde, un regard » sur Public Sénat.
Agathe Alabouvette

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Installé à Nantes, en Loire-Atlantique, Falmarès est un auteur prolifique. Catalogue d’un exilé,  Soulagements 1 et 2, Lettres griotiques…À 23 ans, il a déjà publié plusieurs ouvrages en vers libres. L’exil, le chagrin, son histoire familiale, l’examen du genre humain, sont autant de thèmes qui jalonnent sa poésie. « C’est un art bref, fort en émotion, qui permet de dépasser certaines choses » appuie-t-il. « Ma passion pour l’écriture est née en France. J’ai commencé à écrire en Italie pour m’aider à m’endormir. »

« Dans ces moments-là, au-delà de la peur, on se remet à quelque chose de plus grand. »

Un sommeil troublé par une histoire personnelle hors norme, commencée de l’autre côté de la Méditerranée. Mohamed Bangoura, surnommé par un ami d’enfance Falmarès, grandit en Guinée, dans une famille aimante et sans histoire. Sa vie bascule à l’âge de 15 ans. Le décès brutal de sa mère et la violence de la nouvelle compagne de son père, ne lui laissent d’autre choix que la fuite. Sans le savoir, il s’engage dans un périple qui va le dépasser. Gagne le Mali et Bamako avec un taxi brousse. Puis l’Algérie. Dans le froid des montagnes, il est recueilli par un Algérien qui l’héberge et l’initie à la lecture, en lui offrant un livre d’Amadou Hampâté Ba, écrivain malien. Lui donne du travail sur un chantier, sans le rémunérer, en virant de l’argent à ses futurs passeurs. « Je travaillais sur des immeubles en rénovation. Il m’a dit : ce n’est pas un travail pour toi » raconte Falmarès. De l’Algérie, il passe en Libye, où il est incarcéré pendant deux mois. « En Libye, j’ai vu beaucoup de choses. De la violence physique, verbale, psychologique. » Gravement malade, il est malgré tout embarqué pour traverser la Méditerranée. A court de carburant, le zodiac est à la dérive. Ses passagers frôlent la mort. « J’étais tellement malade que je ne me souviens plus comment j’ai quitté le zodiac. Dans ces moments-là, au-delà de la peur, on se remet à quelque chose de plus grand », explique Falmarès.

« Quand je suis arrivé en France, j’y ai découvert la littérature française et la force de ces écrivains »

Secouru par les garde-côtes italiens, le jeune homme demande à une association de Vintimille de l’envoyer à Nantes, parce qu’il connaît son club de football.  « Quand je suis arrivé en France, j’ai été hébergé par une association. En attendant une réponse du juge des enfants, je passais tout mon temps à la médiathèque. C’était un endroit chaud et calme.  J’étais timide donc je passais mon temps à lire. J’y ai découvert la littérature française, argentine, grecque…et la force de ces écrivains. L’Odyssée d’Homère, Dante, Borgese, Goethe, les poètes de la négritude m’ont poussé à aller vers la poésie. » Si la poésie semble délaissée au XXIe siècle, elle garde toute sa pertinence et sa nécessité pour Falmarès. « La fonction du poète, de l’artiste, c’est de témoigner de son époque. Il y a beaucoup de gens qui n’arrivent pas à traverser la Méditerranée, à sortir du désert ou des geôles libyennes. La poésie c’est une manière de faire revivre cette mémoire.»

« Je me sens français dans l’âme »

Voilà presque dix ans que l’auteur vit en France. Désormais dépositaire d’une double-culture, « ce métissage s’opère de manière naturelle » constate-t-il. « Quand on arrive dans un pays, que l’on passe des années là-bas, on s’imprègne de sa culture. Ma famille et mes amis sont ici. J’ai découvert des lieux et même la nourriture française. Je commence à comprendre plus de choses à la France qu’à la Guinée », confie d’un regard amusé le jeune homme. Adieu Guinée, écrit-il dans l’un de ses poèmes. « C’est un adieu métaphorique », précise Falmarès. En quittant un pays, on marque une forme de rupture. Je ne suis pas retourné en Guinée depuis l’âge de 15 ans. Mais elle est en moi tous les jours. Je pense à ma sœur, mon frère restés là-bas, à ma grand-mère qui n’est plus là». Le poète aimerait composer la suite de son histoire en France. « Je me sens français dans l’âme, j’écris en français, je voyage et rencontre beaucoup de français. Je souhaiterais être naturalisé. La France est mon pays de cœur. »

Retrouvez l’intégralité de l’émission en replay ici. 

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