« Je me demande ce que l’on a raté pour que les gens qui ont une pensée, une culture, soient à ce point de plus en plus méprisés », s’interroge Jean-Pierre Darroussin. Il s’est écoulé près d’un mois depuis les élections présidentielles américaines et la défaite de Kamala Harris, une candidate démocrate qui avait pourtant les faveurs du tout Hollywood, de Taylor Swift, à Beyoncé, en passant par George Clooney ou Arnold Schwarzenegger. Les artistes ont-ils perdus leur capacité d’influence ? L’engagement des élites intellectuelles suffit-il ? Jean Pierre Darroussin s’en inquiète. « L’élection de Trump montre que nous nous identifions à des représentants au-dessus des lois. Ça ce n’est pas terrible ».
Des responsables politiques, l’acteur en a lui-même soutenu. Il n’a jamais caché son engagement antilibéral, à gauche. « La gauche tend à chercher une éthique du lien et considérer que dans une société, on ne doit pas valoriser ce qui nous sépare mais ce qui nous relie. C’est pour ça que les gouvernements de gauche parlent de culture, d’éducation. C’est ce qui ouvre l’esprit et permet de ne pas rejeter l’autre ».
« Ce qui compte ce n’est pas le résultat, c’est de vouloir changer les choses »
De là à se lancer dans la politique, il y a un pas que Jean-Pierre Darroussin ne franchira pas, plus attaché à la notion d’idéal que d’efficacité. « Il ne s’agit pas d’y arriver. Ce qui compte c’est l’idée. On s’en fiche du résultat car de toute façon il sera décevant. C’est comme au cinéma. J’aime avoir l’illusion que le cinéma et les idées peuvent changer les choses. On fait ce métier parce que l’on a cette espérance, la volonté de communiquer une émotion. »
Dans ses convictions, comme dans sa manière de penser le cinéma, Jean-Pierre Darroussin a le même sens de l’engagement. « Pendant le covid, j’ai fait partie d’une association qui donnait des coups de téléphone aux personnes âgées. Une fois je suis tombé sur une ’’instit’’ à la retraite. Elle me disait que la merveille de son métier c’était de voir dans les yeux de ses élèves qu’ils avaient appris quelque chose. Au cinéma, on ne change pas la société mais il y a des individus à qui on peut communiquer un éclairage, une façon de comprendre le monde différemment, créer des idées qui tissent du lien social. »
« Dès que je me suis retrouvé sur une scène, je me suis senti chez moi, comme protégé »
S’il croit autant que les idées et la culture peuvent changer le monde et aider les autres, c’est peut-être parce qu’il l’a lui-même éprouvé. « Quand j’étais jeune, ça faisait 18m2 chez moi », raconte Jean-Pierre Darroussin. « J’étais beaucoup dans ma tête, dans mon imaginaire, je m’inventais des répliques, des personnages. Tout ça était très intérieur. Dès que je me suis retrouvé sur une scène, je me suis senti chez moi, comme protégé. C’était l’endroit où je pouvais continuer à être dans ma tête vraiment et faire référence à mon imaginaire pour pouvoir faire sortir des mots, des personnages. Ce qui fera dire à son père, étameur, « tu devrais faire du théâtre. Quand tu montes sur scène, tu es en chausson ».
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