Incidents du Stade de France : le rapport anglais « corrobore le rapport sénatorial », selon François-Noël Buffet

Incidents du Stade de France : le rapport anglais « corrobore le rapport sénatorial », selon François-Noël Buffet

Un rapport indépendant anglais sur les incidents du Stade de France affirme que « les charges continues et aléatoires de la police sur les supporters et l’utilisation de gaz lacrymogène […] constituent une agression criminelle ». « Il faut faire très attention sur la traduction mot pour mot » du rapport anglais, met en garde le sénateur LR François-Noël Buffet, mais sur le fond, « ce fut violent et inadapté, c’est exact ».
François Vignal

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C’est un nouveau rapport sur les graves incidents du 28 mai dernier autour du Stade de France, lors de la finale de la Ligue des champions entre Liverpool et le Real Madrid. Il est très dur pour la police française. L’auteur de ce rapport indépendant anglais est le professeur de Droit de la Queen’s University à Belfast, Phil Scraton, qui avait mené une enquête après la catastrophe d’Hillsborough, en 1989, où 97 supporters de Liverpool avaient perdu la vie après des mouvements de foule. Il ne retient pas ses mots.

« Les charges continues et aléatoires de la police sur les supporters et l’utilisation de gaz lacrymogène injustifiée sur des hommes, des femmes et des enfants coincés dans des espaces très exigus, étaient un comportement inconscient et dangereux. Cela constitue une agression criminelle », soutient le rapport. « L’incapacité continue à gérer la foule a sérieusement mis en danger la santé et le bien-être des supporters », poursuit le document, qui souligne que seule l’expérience que certains supporters des Reds avaient eue à Hillsborough, et leur retenue, a permis au bilan de ne pas se compter en morts. Le document pointe également « l’hostilité des forces de l’ordre avant le match (à la Fan Zone et aux abords du stade), pendant (dans le stade) et après (au stade, dans les gares et dans la City) ».

« Il ressort clairement des témoignages que les supporters ont été mis en danger par les tactiques agressives de la police, des mesures de sécurité inefficaces et l’absence de mise en place d’un plan de gestion globale de la sûreté du stade basé sur des principes d’évaluation des risques », pointe encore le rapport anglais.

» Lire aussi : Stade de France : « Gérald Darmanin est la honte du gouvernement », taclent les supporters anglais

« Agression criminelle » : « Il faut faire très attention sur la traduction mot pour mot de l’anglais au français, en matière de qualification pénale »

Le terme d’« agression criminelle » frappe les esprits. « Je pense qu’ils vont un peu loin. Il est certain qu’il y avait une mauvaise organisation, préparation et gestion de cette journée, mais je refuse de dire que c’était une agression criminelle commise par la police française », réagit le sénateur LR Michel Savin, qui avait suivi activement les travaux de la mission d’information du Sénat, qui avait été mise en place suite aux événements. Dans leur rapport au vitriol, les sénateurs avaient dénoncé un « fiasco évitable », alors que les membres du gouvernement avaient pointé la responsabilité des supporteurs anglais.

Corapporteur de ce rapport d’information, et président LR de la commission des lois, le sénateur LR François-Noël Buffet met cependant en garde. « Il faut faire très attention sur la traduction mot pour mot de l’anglais au français, en matière de qualification pénale. Il faut être très prudent, quand on parle « d’agression criminelle ». Ce n’est pas au sens où nous l’entendons. C’est plus comme une agression physique inadaptée », souligne le sénateur du Rhône.

« C’était extrêmement violent. En temps normal, ça n’aurait jamais dû avoir lieu », souligne François-Noël Buffet

Sur le fond, « modulo cette interprétation, ça corrobore ce qu’on a dit dans le rapport sénatorial », constate le président de la commission des lois, qui rappelle que « le préfet avait assumé d’utiliser les gaz lacrymogènes pour prévenir l’invasion du stade, car il disait qu’il ne pouvait pas faire autrement ». « Oui, ce fut violent, nous sommes d’accord pour le dire. Les gaz lacrymogènes étaient un usage pas adapté à l’égard des personnes qui étaient présentes, des supporteurs qui venaient voir un match de foot. C’était extrêmement violent. En temps normal, ça n’aurait jamais dû avoir lieu. Cet usage a été une mauvaise préparation en amont du filtrage du stade », ajoute François-Noël Buffet, « mais de là à considérer que cette agression était une agression criminelle au sens du droit pénal français, je ne crois pas. Mais ce fut violent et inadapté, c’est exact ».

« Même s’il peut y avoir quelques interprétations juridiques différentes, je crois que dans l’expression et sa brutalité, le rapport anglais va plus loin que le rapport sénatorial », pense pour sa part le sénateur socialiste Jean-Jacques Lozach, avant d’ajouter : « Mais on est dans une sorte de surenchère verbale compréhensible, vu ce qu’ont subi les supporteurs de Liverpool. D’où cette formule « agression criminelle » qui va au-delà du raisonnable ». Reste que sur le fond, le sénateur PS de la Creuse voit « aussi une confirmation des conclusions du rapport sénatorial. C’est une sorte de justification a posteriori du travail accompli par le Sénat ».

« On n’a pas anticipé ce qu’il s’est passé, avec les agresseurs qui sont venus molester et attaquer les supporteurs anglais et espagnols, autour du stade. Ça, c’est une défaillance. Et les forces de l’ordre se sont trouvées complètement débordées par cette situation », ajoute de son côté Michel Savin. Sur l’usage disproportionné des gaz lacrymogènes, le sénateur de l’Isère va, lui, moins loin. « C’est compliqué de se mettre à la place des forces de l’ordre, quand un tel événement se produit. Vous devez gérer des milliers de personnes, des supporteurs, coincés à l’entrée du stade car la situation n’avait pas été anticipée, et devoir faire face à des bandes venues des quartiers pour agresser », note Michel Savin, qui rappelle qu’« il y a eu une grande confusion ».

Algorithmes anonymisés pour gérer les foules par la vidéoprotection : le Sénat mettra « des garde-fous »

Pour « tirer les leçons du Stade de France », la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, a expliqué la semaine dernière au Sénat que le gouvernement allait très probablement présenter un projet de loi spécial pour les Jeux olympiques de Paris 2024. Il autorisera le « recours à des algorithmes anonymisés intelligents qui permettent de faciliter les dispositifs de vidéoprotection » afin de « mieux gérer les flux » dans les transports en commun, surtout en cas « de perturbations » et de « mouvement de foule ».

Sur ce sujet « qui touche à la sécurité et aux libertés individuelles, la commission des lois sera d’une particulière vigilance », prévient son président, François-Noël Buffet. D’autant plus que sa commission a déjà travaillé sur cette question sensible, au travers d’un récent rapport sur la reconnaissance faciale réalisé par les sénateurs Arnaud de Belenet (RDSE), Jérôme Durain (PS) et Marc-Philippe Daubresse (LR), et rendu public l’été dernier. « Nous espérons qu’il va bien servir de base de travail au gouvernement dans la préparation de ce texte. Nous attendons qu’il soit déposé sur le pupitre du Parlement et du Sénat pour apporter les corrections et améliorations absolument nécessaires à l’utilisation de la reconnaissance faciale », affirme le sénateur LR, qui insiste : « Il faudra bien mettre des garde-fous ».

« On peut toujours dire que c’est un accompagnement supplémentaire à l’action des forces de l’ordre, mais il faudra analyser très précisément le contenu des articles concernés pour que ça ne porte pas atteinte aux libertés individuelles », confirme le socialiste Jean-Jacques Lozach, qui incite à la « prudence sur ce texte ». Il rappelle que « dans le rapport sénatorial, on parlait d’une insuffisante prise en compte des supporteurs par les pouvoirs publics. J’espère qu’avec ce projet de loi olympique, cette consultation aura lieu ».

» Lire aussi : Stade de France : « Nous suivrons les recommandations du Sénat », assure Gérald Darmanin

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