La « banlieue de la Terre » polluée
Des morceaux de fusée de plusieurs tonnes, des éclats de métaux de quelques millimètres, des satellites cassés… Une drôle de barrière brune est apparue “en banlieue” de notre planète bleue. Le résultat de 60 années d’activité humaine dans l’espace.
« Longtemps, on ne s’est pas préoccupé de l’après, on a tout laissé là-haut » explique Christophe Bonnal, ingénieur français, spécialiste des débris spatiaux depuis 40 ans. Exemple à l’appui : Le premier satellite de l’histoire, Spoutnik, lancé le 4 octobre 1957, est aussi devenu le premier débris spatial. Après 21 jours de fonctionnement, les batteries de voitures qui lui ont servi de propulseur, se sont arrêtées et le satellite a été abandonné.
Aucune règle internationale ne régule l’accès à l’espace et son usage. Chaque pays, chaque acteur privé peut donc y envoyer ce qu’il veut, sans avoir à rendre de compte. Un état de fait problématique. Ces dernières années, la destruction d’un vieux satellite, par la Chine, en 2007, et la collision d’un satellite américain avec un ancien satellite russe, en 2009, ont été « si violents qu’ils ont multipliés par deux le nombre de débris dans l’espace » raconte Walt Everetts, vice-président de la société américaine Iridium Communication, propriétaire du satellite américain percuté.
« La prolifération des débris pourrait rendre impossible l’exploration de l’espace proche »
Les débris sont aujourd’hui sous haute surveillance, observés en permanence par l’armée américaine ou le Centre National d’Etudes Spatiales de Toulouse. Dix à vingt fois plus rapides qu’une balle tirée par un fusil de chasse, chaque collision génère de gros dégâts : mise à l’arrêt de satellites indispensables au trafic maritime ou militaire et à l’utilisation d’Internet, compromission des sorties spatiales des astronautes de l’ISS et même de possible retombées pour les débris les plus bas, sur la Terre.
Si ce risque est rare, il pourra devenir plus fréquent si le phénomène s’accélère. Les nouveaux débris générés, augmentent eux-mêmes la probabilité de collision. A terme, leur prolifération pourrait rendre « impossible l’exploration de l’espace proche » car trop dangereuse, explique Darren McKnight, ingénieur à Leolab.
Filets de capture, lasers et robots pour dépolluer l’espace
Une course contre la montre est engagée pour enrayer ce cercle vicieux. A Tenerife, deux ingénieurs travaillent sur un laser qui permettrait de dévier de quelques centimètres la trajectoire des débris. Des filets de capture, des harpons, des voiles installées sur les satellites pour ralentir leur course sont aussi à l’étude. En Suisse, l’entreprise Clearspace planche sur un premier robot articulé à quatre bras, capable de capturer les plus gros débris. Une solution à 100 millions d’euros, pour déplacer un seul objet – « mais dans le domaine de la conquête spatiale, les premières fois sont souvent nécessaires » rappelle le directeur de Clearspace, Luc Piquet.
Vers des pratiques plus durables
« A quoi ça sert de nettoyer si la pollution ne diminue pas ? » A Amsterdam, Luisa Innocenti, de l’ESA appelle les acteurs de l’aérospatial à repenser le problème à la racine, dès la conception et le lancement des satellites pour aller vers des pratiques plus durables.
Une démarche suivie par le groupe Thalès, qui a mis au point un satellite « capable de revenir sur terre en 10 jours au lieu de 25 ans, lorsqu’il atteint ses réserves de carburant », explique l’ingénieure française Sabrina Andiapanne.
La France est aujourd’hui le premier et unique pays a avoir voté une loi pour éviter la prolifération des débris spatiaux. Le documentaire l’assure : Dépolluer l’espace sera l’un des plus grands enjeux technologiques de notre siècle pour qu’il reste accessible aux jeunes générations.
Retrouvez le documentaire « Alerte en orbite, la menace des débris spatiaux » jeudi 2 janvier à 22h sur Public Sénat et en replay ici.