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Audiovisuel public : une loi du Sénat vise à pérenniser son système de financement

Depuis la suppression de la redevance en 2022, le financement de l’audiovisuel public est une préoccupation majeure des sénateurs. Ce mercredi, Jean-Raymond Hugonet (apparenté LR), présentait son rapport sur une proposition de loi déposée par la majorité LR et centriste visant à maintenir le système actuel.
Simon Barbarit

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Depuis deux ans et la fin de la redevance, l’examen des crédits de l’audiovisuel public conduit à des séances animées à la Haute assemblée. Les deux derniers projets de loi de finances prévoyaient de compenser la suppression de la redevance par l’affectation d’une fraction de TVA, ce qui a représenté 4 milliards pour l’audiovisuel public en 2024. Mais ce financement ne pouvait être que temporaire car la loi organique du 28 décembre 2021, relative à la modernisation de la gestion des finances publiques (LOLF), prévoit qu’au-delà de 2025 une affectation de taxe ne peut être maintenue que si celle-ci est en lien avec la mission de service public qu’elle vient financer.

C’est pourquoi l’audiovisuel public, dans le budget 2025 est, pour le moment, financé par des crédits budgétaires. Un mode de financement en contradiction avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui protègent l’indépendance, y compris financière des services publics audiovisuels sur le fondement de la liberté d’expression et de communication. Une proposition de loi organique déposée par les sénateurs LR, Roger Karoutchi et les centristes, Catherine Morin Desailly et Laurent Lafon, président de la commission de la culture prévoit de maintenir en modifiant la LOLF, le système de financement qui court depuis 2022. « Cette solution à l’avantage d’être expérimentée depuis deux ans par les sociétés d’audiovisuel public, sans avoir suscité de difficultés », a mis en avant lors d’une conférence de presse, le rapporteur du texte (apparenté LR) Jean-Raymond Hugonet, et par ailleurs rapporteur spécial des crédits de l’audiovisuel public pour la commission des finances du Sénat. « La commission des finances a adopté un amendement permettant de clarifier le mécanisme actuel en affectant un montant d’impôt d’Etat à l’audiovisuel public. Cette précision permettra d’éviter une évolution automatique à la hausse comme à la baisse du montant versé par l’audiovisuel public », a-t-il justifié.

Une conférence de presse au cours de laquelle le sénateur a réaffirmé sa volonté de voir la trajectoire budgétaire de l’audiovisuel baisser. L’année dernière, il avait d’ailleurs déposé un amendement visant à geler la hausse des crédits de l’audiovisuel. Faute de soutien des alliés centristes de la majorité LR, l’amendement avait été rejeté avec l’appui des voix de gauche.

Un irritant pourrait aussi voir le jour en séance jeudi prochain. Jusqu’à la dissolution, le gouvernement penchait pour un autre scénario de mode de financement : un prélèvement sur recettes de l’Etat voté annuellement par le Parlement. Une proposition de loi en sens avait d’ailleurs été déposée par les députés Quentin Bataillon (Renaissance), Bruno Studer (Renaissance) et Jean-Jacques Gaultier (LR).

« Les prélèvements sur recettes n’apportent aucune garantie supplémentaire »

La proposition de loi du Sénat, cosignée par les centristes prévoyait dans sa version initiale de conserver ce mode de financement de prélèvement sur recettes spécifiquement pour la chaîne Arte. En commission des finances, cet article 2 a été supprimé via un amendement du rapporteur. « Le mécanisme des prélèvements sur recettes est actuellement limité aux collectivités territoriales et à l’Union européenne […] La modification proposée par cet article reviendrait à mettre sur le même plan collectivités territoriales, Union européenne et Arte France », explique le rapporteur qui considère que « les prélèvements sur recettes n’apportent aucune garantie supplémentaire pour les sociétés d’audiovisuel public ».

« Le prélèvement sur recettes pour Arte est un mode de financement qui ne peut être modifié même en cours d’exercice pour nos voisins allemands, il est aussi une garantie d’indépendance. Arte, est une chaîne européenne, et je pense que mes collègues centristes se sont dit que ce mécanisme pouvait s’appliquer à cette chaîne », interprète la sénatrice socialiste, Sylvie Robert.

Ce point va-t-il conduire à une nouvelle fracture de la majorité sénatoriale jeudi 23 octobre lors de la première lecture du texte au Sénat ? « Les centristes insistaient […] J’ai échangé avec Bruno Patino (directeur d’Arte), Arte est venu en audition. Ils souhaitaient le 5 étoiles, c’est pas mal aussi. Maintenant si les centristes prennent la responsabilité de torpiller ce texte en séance, ce sera leur responsabilité. Tout est possible, c’est pourquoi je suis extrêmement prudent », a indiqué Jean-Raymond Hugonet lors de la conférence de presse il a par ailleurs précisé que la gauche s’était abstenue sur ce point en commission.

« Nous prendrons nos responsabilités »

Contacté par publicsenat.fr, Laurent Lafon affirme qu’il ne déposera pas d’amendement pour réintroduire l’article 2. « Je ne pense pas que ce sera un point de blocage. On va écouter ce que nous dira le rapporteur. Il devra nous préciser que ce qu’il propose ne remet pas en cause l’accord franco-allemand qui a créé Arte. Je pense néanmoins que le texte est équilibré et va dans le bon sens ».

« Nous avons conscience qu’il y a urgence. Et nous prendrons nos responsabilités pour que le texte soit adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat », ajoute Sylvie Robert qui plaide pour une troisième solution de financement : le retour d’une redevance, qu’elle a inscrit dans une proposition de loi

Le texte sera examiné en procédure d’urgence. L’objectif pour les parlementaires, est une adoption définitive avant la fin de l’année pour une entrée en vigueur dès 2025. Dans le cas contraire l’audiovisuel public sera financé par des crédits budgétaires dans le budget 2025.

Pour Jean-Raymond Hugonet, une réforme du financement de l’audiovisuel public est indissociable d’une réforme de sa gouvernance suivant le triptyque « périmètre, missions, montants ». Il a d’ailleurs abondamment cité et présenté le rapport de sa mission d’information conduite avec Roger Karoutchi, plaidant en faveur d’une fusion de France Télévisions et de Radio France. De quoi faire dire à une journaliste : « Il est en vente quelque part » ? « C’est une réforme qui est maudite. La première fois, (elle a été stoppée) à cause du covid-19. La deuxième fois, il y a eu la dissolution. Jamais deux sans trois dit l’adage », a-t-il conclu. « La réforme du financement ne va pas sans la réforme de gouvernance », appuie Laurent Lafon, auteur d’une proposition de loi créant une holding, nommée « France Médias » regrouperait ainsi France Médias Monde (RFI, France 24 et MCD), Radio France, France Télévisions et l’Institut national de l’audiovisuel (INA).

Pour mémoire en mai dernier, l’exécutif, par la voix de la ministre de la Culture, Rachida Dati allait encore plus loin en défandant l’idée d’une fusion des différentes filiales sous la responsabilité de cette holding France Médias.

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