Audiovisuel public : le Sénat vote en faveur de la création d’une holding

Le Sénat s’est majoritairement prononcé ce 12 juin pour la création d’une société mère unique pour regrouper les sociétés de l’audiovisuel public. Baptisée « France Médias », elle chapeauterait France Télévisions et Radio France. La ministre de la Culture a affiché son opposition à ce projet, tout comme l’opposition sénatoriale de gauche.
Guillaume Jacquot

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Il s’agit ni plus ni moins que du cœur d’une proposition de réforme de l’audiovisuel public, portée de longue date par la majorité sénatoriale. Dans la soirée du 12 juin, le Sénat à majorité de droite et du centre a voté la création d’une holding, France Médias, qui superviserait dès 2024 France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (RFI et France 24) et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Cette disposition constitue le premier axe de la proposition de loi portée par le président de la commission de la Culture Laurent Lafon (Union centriste), dont l’examen s’achèvera ce mardi. Pour les auteurs de la proposition de loi, ce regroupement est l’une des étapes d’une « stratégie ambitieuse » pour « préserver la souveraineté audiovisuelle » de la France, dans un contexte de profonde évolution des usages.

Une holding « ni nécessaire, ni prioritaire » : la ministre de la Culture ferme la porte

La ministre de la Culture Rima Abdul-Malak s’est clairement positionnée contre cette orientation, préférant que les différentes composantes avancent sur des « coopérations par projet ». « Les coopérations ne sont pas une fin en soi. Et leur succès dépend avant tout de la clarté des objectifs poursuivis. Un grand meccano institutionnel ne m’apparaît ni nécessaire, ni prioritaire », a-t-elle exprimé à la tribune. « C’est retarder, il me semble, des projets indispensables. C’est mobiliser l’énergie des entreprises sur des réorganisations de structures au détriment des priorités urgentes. »

La rénovation de la gouvernance à travers la création d’une société mère « France Médias » figurait dans un projet de loi stoppé net en commission, à l’Assemblée nationale, lorsque la première vague du covid-19 a touché la France. Le texte, porté à l’époque par Franck Riester, n’a jamais été remis à l’ordre du jour.

« Rien n’est pire que l’immobilisme », avertit Roger Karoutchi

Dans l’intervalle, le Sénat a tenté de relancer ce chantier. En juin 2022, le rapport d’information Karoutchi-Hugonet préconisait même la fusion de France Télévisions et de Radio France, à l’image de ce qui existe dans d’autres États européens. L’idée n’est pas nouvelle, puisque les sénateurs Jean-Pierre Leleux (LR) et André Gattolin (EELV à l’époque) recommandaient déjà en 2015 de regrouper l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public au sein d’une nouvelle entité.

« À mon avis, dans les années qui viennent, le système ne tiendra pas et il s’écroule face à la concurrence des plateformes et du système privé si nous n’avons pas une réforme globale », a plaidé Roger Karoutchi, affirmant que « rien n’est pire que l’immobilisme ».

Les représentants des groupes de gauche se sont opposés à la proposition de holding, estimant que celle-ci pourrait « affaiblir » ce service public. Le socialiste David Assouline a déploré un « parfum d’ORTF » et un projet vain « face à la concurrence des Gafam et du privé ». Julien Bargeton, sénateur Renaissance, y est allé aussi de sa critique. « Le risque d’une holding, on le sait, c’est que ça coûte de l’argent, puisque vous rajoutez une strate et qu’on ne supprime pas le reste […] ça rajoute du coût et de la bureaucratie supplémentaire. » La création d’une holding est aussi revenue la semaine dernière, dans un rapport rédigé par les députés Jean-Jacques Gaultier (LR) et Quentin Bataillon (Renaissance).

Débats nourris sur la place de la publicité et le financement global de l’audiovisuel public

Les sénateurs ont également adopté au cours de la soirée l’article 5 de la proposition de loi, qui remplace par ailleurs les contrats d’objectifs et de moyens (COM) par des conventions stratégiques pluriannuelles. Depuis une modification en commission, l’article précise que ces conventions doivent prévoir un plafonnement recettes publicitaires et de parrainage pour France Télévisions et Radio France, « défini en fonction des montants de ressources publiques ». Les groupes de gauche ont qualifié la disposition de « particulièrement dangereuse ». Pour la sénatrice communiste Céline Brulin, cet article « aggrave la concurrence déloyale avec le privé ». Le rapporteur Jean-Raymond Hugonet a estimé au contraire que ce plafond permettrait d’ « éviter la dérive en cours » car « l’audiovisuel semble incapable de renouveler ses ressources ».

L’article précise aussi que la principale ressource des sociétés de l’audiovisuel public est constituée par une « ressource publique de nature fiscale, pérenne, suffisante, prévisible, et prenant en compte l’inflation ». Une réponse directe à la suppression de la redevance audiovisuelle l’an dernier, « sans solution de remplacement ». Or, plusieurs sénateurs LR, à travers un amendement, ont fait observer que la piste d’une affectation d’une partie de la TVA pour financer l’audiovisuel public s’avérait périlleuse.

« Ceux qui espèrent que la pérennisation du système de fraction de TVA par une modification de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances) est un vote acquis, manifestement il ne l’est pas », a également averti Laurent Lafon, le président de la commission de la culture. Cette piste ne « fait pas l’unanimité » au sein de la majorité sénatoriale. C’est un « chantier complexe » qui s’ouvre selon lui, et un accord « ne pourra être trouvé que s’il y a une vision partagée non seulement sur les ressources mais aussi sur l’organisation et la gouvernance ».

« Je vois qu’on négocie le prochain mode de financement contre l’acceptation de la holding, c’est du marchand de tapis tout ça », a raillé David Assouline, en réponse. Rima Abdul-Malak a précisé que « le débat sur le mode de financement pérenne du secteur » sera « défini en loi de finances ».

Peu avant la fin des débats, l’hémicycle a adopté un amendement du groupe PS. Celui-ci « impose aux ligues professionnelles, dans le cadre de l’attribution de leurs droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions et manifestations sportives, de réserver aux chaînes accessibles en clair un droit de diffuser dans leurs émissions, des extraits de celles-ci, dans le cadre de magazines ou d’autres programmes. »

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