Ce mercredi, Olivier Thibault, directeur général de l’Office français de la biodiversité (OFB) était auditionné par la commission du développement durable du Sénat, pour échanger avec les sénateurs sur le rapport rendu par la mission d’évaluation de la loi portant création de l’OFB. L’occasion d’évoquer, dans le contexte de la crise agricole, la question de l’armement des agents de cet établissement et l’application des normes environnementales.
Plan Ecophyto : qu’est-ce que le Nodu, l’indicateur d’utilisation des pesticides qui fait débat ?
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C’est un sujet technique, mais sensible, auquel le gouvernement a promis de s’attaquer avant l’ouverture du salon de l’agriculture, le 24 février prochain. Au début du mois, en conférence de presse, le Premier ministre avait annoncé la mise en pause du plan Ecophyto, « le temps de mettre en place un nouvel indicateur » pour évaluer la consommation de pesticides sur le territoire.
Tout en affirmant maintenir la trajectoire de diminution de moitié de l’usage des produits phytosanitaires d’ici 2030, le gouvernement multiplie donc les réunions avec le secteur pour élaborer une nouvelle unité de mesure. Si rien n’est encore arrêté, l’hypothèse la plus probable semble être celle du remplacement du Nodu – indicateur aujourd’hui utilisé – par un indice européen, le HRI 1.
« L’idée n’est pas de supprimer le Nodu, mais d’y ajouter d’autres indicateurs pour rejoindre les méthodes de mesure européennes », assure-t-on du côté de Matignon et du ministère de l’Agriculture. Une proposition qui ne séduit pas les associations environnementales. Conviées à une réunion de travail le 12 février, elles ont claqué la porte, faisant de la suppression du Nodu « une ligne rouge ».
À quoi sert le Nodu ?
Si ces débats d’unité de mesure peuvent sembler techniques, ils revêtent une importance capitale, tant la courbe de diminution de l’usage des pesticides peut évoluer en fonction de l’indicateur choisi. Lors de son élaboration en 2008, au moment de la mise en place du premier plan Ecophyto, le Nodu avait ainsi été pensé pour combler les lacunes de l’unité jusqu’ici utilisée : la quantité de substance active (QSA), qui mesurait simplement le volume de pesticides vendus tous les ans en tonnes.
Contraction de « Nombre de doses unités », le Nodu rapporte chaque pesticide à une « dose unité » spécifique : la dose maximale du produit qui peut être appliquée lors d’un traitement, sur une culture et une année donnée. Un indicateur plus complexe, mais aussi plus complet puisqu’il prend en compte l’efficacité des substances utilisées et pas seulement la masse de pesticides épandus, tous les pesticides n’ayant pas la même performance à quantité égale.
Sur son site internet, l’Inrae défend l’usage du Nodu, indicateur jugé pertinent pour évaluer « notre dépendance aux pesticides, en évitant les biais liés aux grandes différences de doses homologuées entre molécules ». Pour l’association de défense de l’environnement Générations Futures, cette unité de mesure spécialement conçue pour « réduire la dépendance de l’agriculture aux pesticides » est la seule à même d’évaluer l’atteinte des objectifs d’Ecophyto.
Une hausse du Nodu sur les dix dernières années
Côté chiffres, la France est passée d’un Nodu de 82 millions d’hectares en 2009 à un Nodu de 85,7 millions d’hectares en 2021, avec un pic à plus de 120 millions d’hectares en 2018. Contrairement aux objectifs affichés par Ecophyto, qui correspondent à un Nodu d’environ 50 millions d’hectares, l’utilisation de pesticides aurait donc augmenté dans les dix dernières années.
Un constat qui fait bondir Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, principal syndicat agricole et pourfendeur du Nodu depuis sa création. « Les agriculteurs et leurs syndicats sont aujourd’hui accusés d’être réfractaires au changement, alors que c’est le thermomètre de leur engagement qui est défaillant », fustigeait-il dans un édito pour Ouest-France, en rappelant que le recours aux substances « les plus à risque » a chuté de 87 % en dix ans.
Le Nodu est en effet pointé du doigt pour sa non prise en compte de la dangerosité des produits utilisés. « À partir du moment où on remplace un produit efficace, mais considéré comme nocif, par un produit moins efficace, on est obligé de le passer plus souvent dans les champs. Calculer le nombre de doses utilisées, c’est fausser le résultat », dénonce auprès de l’AFP Éric Thirouin, président de l’association des céréaliers de France.
Le HRI 1, un indicateur plus juste ?
Alors que les agriculteurs maintiennent la pression sur le gouvernement pour obtenir des avancées concrètes avant le salon de l’agriculture, l’indicateur franco-français est sur la sellette face à son cousin européen : l’indicateur « de risque harmonisé », le HRI 1. Contrairement au Nodu, celui-ci prend en compte la nocivité des produits phytosanitaires, en les classant en quatre catégories selon leur dangerosité.
Ce classement des pesticides change le mode de calcul de leur consommation, en affectant un coefficient multiplicateur qui récompense davantage la diminution de l’usage des pesticides les plus nocifs. Un mode de calcul bien plus avantageux pour mesurer les avancées d’Ecophyto, puisqu’il mettrait en valeur les efforts de diminution des pesticides les plus dangereux. Ainsi, sur la base du HRI 1, la France aurait connu une baisse de 32 % de l’utilisation des pesticides entre 2011 et 2021.
« Une baisse en trompe l’œil », dénonce Générations Futures dans un communiqué : « les coefficients de dangerosité sont trop faibles, (…) l’usage de pesticides dangereux à faibles doses peuvent ainsi donner un indicateur plus faible que l’usage de pesticides à bas risque employés en plus grande quantité ». Nodu ? HRI 1 ? Indicateur hybride ? La bataille des chiffres n’est pas encore tranchée. « Il reste dans les deux cas une marche importante à franchir » pour diminuer l’usage des pesticides, concède le gouvernement.
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