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40 milliards d’économies dans le budget 2026 : les pistes sur la table du gouvernement

François Bayrou organise ce mardi un grand raout pour tenter de partager un constat d’« état d’urgence » sur les finances publiques. Un préalable pour préparer les esprits aux économies qui se préparent dans le budget 2026. Alors que les collectivités pourraient être mises à contribution, le rapporteur du budget au Sénat, Jean-François Husson, en a « assez qu’on se défausse les uns sur les autres ». Le sénateur LR n’écarte pas en revanche une mesure sur les retraités : « Ils sont conscients qu’il y aura un effort à faire », quitte à « revoir certains acquis ».
François Vignal

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Le gouvernement prend de l’avance. Si le grand public commence généralement à entendre parler du budget à la rentrée de septembre, avec des ministères qui travaillent en amont durant l’été, le gouvernement Bayrou ouvre déjà la séquence budgétaire, très en avance, avec un grand raout ce mardi. A ce point, c’est pour ainsi dire du jamais vu. « On essaie de changer de manière de travailler, qu’on n’arrive pas en septembre où on se dit qu’est-ce qu’on fait ? On essaie de faire assez différent », confiait fin février l’un des ministres de Bercy, où on planchait déjà sur la suite, à peine sorti du vote dans la douleur du projet de loi de finances 2025.

Histoire de préparer les esprits à un budget 2026 qui s’annonce très tendu, François Bayrou organise donc un « comité d’alerte du budget ». Autour de la table, sont invités les ministres concernés, des parlementaires (rapporteurs des commissions des finances et des commissions des affaires sociales notamment), les organismes de sécurité sociale ou encore les collectivités locales. Premier couac : on sait déjà par Le Parisien que l’Association des maires de France sèche l’événement…

Ceux qui s’attendent à des annonces seront déçus. L’idée est de mettre sur la table un constat, si possible partagé, avec l’objectif de faire comprendre que le pays est dans un « état d’urgence budgétaire », comme a dit dimanche sur BFM TV le ministre de l’Economie, Eric Lombard. Le gouvernement entend maintenir son objectif d’une réduction du déficit à 4,6 % du déficit en 2026. Pour cela, il vise « un effort supplémentaire de 40 milliards d’euros », voire de 50 milliards, ce qui est « très considérable », reconnaît le ministre. Un effort qui viendra « essentiellement des économies ».

« L’idée, c’est que la dépense publique, ce n’est pas automatique »

Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, le sénateur LR Jean-François Husson – qui sera présent avenue de Ségur, où se passe l’événement – salue cette volonté de « diagnostic ». « Par principe, je ne condamne pas quelqu’un qui prend l’initiative de poser officiellement, et avec gravité et solennité, un appel au sérieux budgétaire, pour contribuer à redresser la confiance et les comptes du pays. Jusqu’à présent, on nous a expliqué que tout allait bien et qu’il ne fallait pas porter un discours alarmiste », souligne le sénateur LR de la Meurthe-et-Moselle, membre du socle commun. « J’attends que l’exécutif établisse enfin l’état de la situation et comment la France en est arrivée là », « comment les comptes se sont à ce point dégradés. C’est un préalable indispensable », prévient le rapporteur, qui a mené les travaux d’une mission d’information sur les causes du déficit.

Pour l’heure, rien n’est arrêté sur les économies à réaliser. La méthode demandée aux ministres est censée en dégager. Chaque ministère doit voir « quelles sont ses missions et ses besoins », et fixer le niveau de dépenses nécessaires en fonction. « L’idée, c’est que la dépense publique, ce n’est pas automatique », lance un ministre de la forteresse du ministère de l’Economie et des Finances. Le premier ministre avait rassemblé, fin février, les directeurs d’administrations pour les briefer sur la nouvelle méthode.

Des chiffres globaux – qu’il faut pour l’heure prendre avec précaution et au conditionnel – commencent cependant à circuler. « Il a été fait état de 14 milliards d’euros d’économies pour l’Etat, de 8 milliards d’euros sur les collectivités et 18 milliards d’euros d’économies sur les dépenses sociales », avance le sénateur LR du Cantal, Stéphane Sautarel, vice-président de la commission des finances.

  • 8 milliards d’euros sur les collectivités ?

Si on ne connaît pas encore la couleur des économies, plusieurs pistes sont cependant évoquées. Et les collectivités devraient à nouveau être mises à profit. La Tribune confirme que l’Etat pourrait leur ôter 8 milliards d’euros (lire notre article pour plus de détails). Cette année, la barre avait d’abord été fixée à 5 milliards d’euros, avant que l’effort ne soit ramené à 2,2 milliards d’euros, lors du passage du texte au Sénat.

Sans surprise, l’idée de demander plus aux collectivités n’enchante pas Jean-François Husson. « Depuis 5 ans, les collectivités ont beaucoup écopé. Je ne pense pas qu’elles aient mené la grande vie et qu’elles aient été dispendieuses. J’en ai assez qu’on se défausse les uns sur les autres », s’énerve le rapporteur, qui insiste : « Si on commence à faire des croche-pieds ou à s’envoyer des uppercuts, je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure manière de faire ». Jean-François Husson entend remettre les pendules à l’heure :

 Dans la dégradation des comptes, 75% relève de la responsabilité de l’Etat. Ce sont ses propres comptes qui pèsent dans la dérive. 

Jean-François Husson, rapporteur général LR de la commission des finances du Sénat.

Le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, met aussi en garde. « Tous les maires me disent qu’il y aura un effet récessif. Sinon, ils vont retarder les investissements, bloquer leurs budgets », selon le sénateur du Nord. Alors qu’un nouveau contrat entre Etat et collectivités est évoqué, l’ancien ministre rappelle que « les contrats de Cahors ne nous ont pas laissé un bon souvenir ». Il se dit néanmoins « favorable à la notion de contrat, à condition que ce ne soit pas un contrat léonin ».

  • Les agences : un filon d’économies limité

Si on ne connaît pas encore les détails, on sait que le gouvernement compte faire des économies sur les agences d’Etat et autres opérateurs. La droite en a souvent fait, depuis quelques temps, l’un de ses mantras en matière d’économies. Pour l’aider, l’exécutif pourra s’appuyer sur la commission d’enquête du Sénat sur le sujet, dont la rapporteure est la sénatrice LR Christine Lavarde.

« Les agences gère des budgets et les budgets sont partis à vau-l’eau. Il faut inciter à la dépense productive. Ces dépenses sont comme des puits sans fond. Il faudra les expertiser », lance Jean-François Husson.

Mais ce filon d’économies risque de vite se tarir. Au mieux, le niveau d’économies se mesurera en « quelques unités de millions », avance un membre du gouvernement. Ce qui n’empêche pas de « mettre un peu de pression » dans le système, en « fixant des objectifs de performance ». S’il devrait y avoir des rapprochements pour éviter des doublons, ou quelques suppressions pour des agences qui n’ont vraiment plus d’utilité, il n’y aura « pas de plan social », assure-t-on à Bercy, où on prévient : « La tronçonneuse, les scalps, c’est absurde ». Christine Lavarde elle-même a déjà temporisé. « Il ne faut pas dire que supprimer les agences de l’Etat va résoudre notre problème de déficit public », a-t-elle dit dans Contexte.

  • Prolonger l’impôt sur les hauts revenus ?

Le ministre de l’Economie écarte toute hausse d’impôts sur les classes moyenne. Mais il n’écarte pas de pérenniser la contribution différentielle sur les plus hauts revenus, adopté lors du dernier budget. L’exceptionnel pourrait ainsi durer. Reste à voir quelle forme le dispositif pourrait prendre, car le gouvernement parle aussi de lutte contre l’optimisation fiscale. En revanche, Eric Lombard écarte de prolonger l’impôt exceptionnel sur les grandes entreprises, qui doit rapporter 8 milliards d’euros en 2025.

A gauche, on souhaite davantage sur les recettes. « Est-ce qu’on considère que l’impôt peut être un outil de justice sociale ou la logique du moins d’impôts reste la priorité absolue du gouvernement ? » demande Patrick Kanner, qui « attend toujours la fameuse taxe Zucman-Montchalin, et avec quelle assiette pour cette taxe ? Selon la ministre, ça pourrait rapporter 2 milliards d’euros. Avec l’impôt sur la fortune immobilière actuel, on arriverait à ce que ramenait l’ISF, avant sa suppression. Sauf qu’avant sa suppression, les riches étaient moins riches… Il n’y a pas de raison qu’ils ne contribuent pas », relève Patrick Kanner, qui entend remettre en perspective la politique menée par Emmanuel Macron depuis 2017, « qui a entrainé 50 milliards de recettes fiscales en moins par an. Et là, on cherche 40 milliards ».

  • Les retraités mis à contribution ? « Ce ne sont pas des vaches sacrées », selon Jean-François Husson

La question des retraités va-t-elle revenir dans le budget 2026 ? L’exécutif pourrait à nouveau ne pas écarter la possibilité de supprimer l’abattement fiscal pour les retraités ou de désindexer les pensions de retraite sur l’inflation, mesures écartées devant la levée de bouclier qu’elles avaient entrainé.

Les retraités sont-ils les intouchables de la politique ? « Ce ne sont pas des vaches sacrées », assure Jean-François Husson. Le sénateur de la Meurthe-et-Moselle souligne que beaucoup de retraités « ont entendu parler des sacrifices pendant la guerre, via leurs parents. J’en ai beaucoup qui me disent qu’ils comprennent que ce n’est pas forcément facile pour les jeunes ». C’est pourquoi, selon Jean-François Husson, les retraités pourraient être prêts à entendre un discours qui leur demande de participer à l’effort collectif. « Ils sont conscients qu’il y aura un effort à faire, et qu’ils doivent prendre leur part, et revoir certains des avantages, ou acquis d’hier », lâche le rapporteur du budget du Sénat, touchant ainsi à ce qui est une forme de tabou à droite et chez les macronistes, tant cette catégorie de la population est généralement préservée.

  • Plusieurs pistes d’économies du côté de l’assurance maladie

Pour trouver des économies, la Sécurité sociale peut-être une bonne source, en volume, d’économies. Reste à voir quelles décisions peuvent être prises et assumables politiquement. Les recommandations émises par la Cour des comptes pourraient donner quelques idées au gouvernement. Elle estime qu’il est possible de dégager 20 milliards d’euros d’économies dans des mesures d’efficience, « sans revenir sur les grands principes » de la Sécurité sociale. Elle appelle notamment à « accentuer » la lutte contre les fraudes à l’Assurance maladie (lire notre article pour plus de détails).

La Cour des comptes estime par ailleurs que la poursuite de la baisse du prix des produits de santé pourrait permettre d’économiser plus de 5 milliards d’euros (voir notre article pour plus de détails).

  • Economies sur le crédit d’impôt des particuliers-employeurs ?

Interrogé dimanche sur BFM sur la possibilité de modifier le crédit d’impôt des particuliers-employeurs, qui permet de réduire la facture sur l’emploi d’une personne pour faire le ménage ou une garde d’enfants, Eric Lombard a reconnu que l’hypothèse faisait « partie des idées qui sont sur la table ». Mais sa collègue des Comptes publics, Amélie de Montchalin, l’a quant à elle écartée sur France Inter, concernant les « gardes d’enfants ».

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