Des mesures toujours insuffisantes. C’est l’état d’esprit général qui plane dans les rangs du Sénat, après de nouvelles annonces de la part du gouvernement pour lutter contre les violences faites aux femmes. Erigée par la macronie comme la grande cause du quinquennat, la lutte contre les féminicides et les violences sexistes est plus que jamais d’actualité après les meurtres de deux femmes sous les coups de leurs conjoints à Mérignac, le 4 mai, et à Hayange, le 2 mai. Ce jeudi, suite au rapport d’une mission d’inspection relevant une série de défaillances dans le système actuel, le gouvernement a détaillé six nouvelles mesures pour renforcer la lutte contre les féminicides et renforcer la protection des victimes.
Parmi celles-ci, la mise à disposition de 3000 « téléphones grand danger » d’ici 2022, et la mise en place d’un fichier des auteurs de violences conjugales. Une instance de suivi judiciaire des situations individuelles sera également créée, et réunira magistrats, forces de sécurité intérieure et service pénitentiaire d’insertion et de probation. De nouvelles mesures accueillies avec un enthousiasme modéré à la Haute assemblée. « Il est vrai qu’Elisabeth Moreno met beaucoup de cœur et de volonté sur le sujet, et nous offre une écoute bien plus attentive que Marlène Schiappa », commente la sénatrice Laure Darcos. Mais si les sénateurs soulignent la bonne volonté du gouvernement, ils pointent du doigt la défaillance d’application dans les actes, des différentes mesures annoncées. « La ministre fait de son mieux, mais ce ne sont que des paroles », réagit la sénatrice écologiste Esther Benbassa, auteure d’une question sur le sujet lors de la séance des questions au gouvernement du 9 mai. « C’est une question qui doit aussi bien être réglée dans les territoires qu’au niveau de la nation. Il faut prendre des mesures énergiques et concrètes. »
« Cela ne doit pas être une simple déclaration de principes »
« La démarche générale est plutôt bonne », concède le président de la commission des lois du Sénat François-Noël Buffet. « Il faudra simplement veiller, comme toujours, à ce que les moyens soient bien présents et que ce ne soit pas simplement une déclaration de principes, mais qu’on ait véritablement un dispositif mis en place structuré avec des moyens humains et matériels pour assurer la protection des femmes victimes de ces agressions. » Car la défaillance du dispositif des bracelets anti-rapprochement a marqué les sénateurs concernés par la question. « Le bracelet anti-rapprochement est censé être une mesure basique, qu’on attend depuis deux ans et demi », souligne Laure Darcos. « Le budget y est, c’est simplement un problème de volonté politique. »
Lire aussi : Féminicides « Si les lois ne sont pas appliquées, les femmes seront toujours en danger »
« Nous avons adopté de nombreuses lois depuis quelques années, elles doivent désormais être appliquées », renchérit la sénatrice Annick Billon. « Il y a un vrai souci d’application de la loi : les ministres doivent travailler ensemble pour enrayer ce phénomène de féminicides. Il faut agir, apporter des solutions et les mettre en œuvre dans tous les territoires. » Mais pour mettre en œuvre de telles mesures, il faut un budget conséquent, et certains sénateurs déplorent le manque de moyens mis à disposition pour lutter contre les féminicides. « Les associations demandent un milliard d’euros, entre la formation de magistrats, de policiers, de psychologues, la création de places d’hébergement dédiées et en nombre suffisant », détaille la sénatrice communiste Laurence Cohen. « Cela nécessite de dégager des moyens humains et financiers et on voit que le budget consacré dans un pays comme l’Espagne est bien supérieur. On bute toujours sur la même problématique. Tant que le gouvernement n’aura pas mis en adéquation ses paroles avec ses actes cela ne deviendra pas une grande cause nationale : quels moyens on met, en dehors des paroles prononcées par le président de la République ou la ministre pour faire en sorte de débarrasser la société de ce fléau ? », interroge Laurence Cohen.