François Bayrou tente de rassurer le Sénat avant la publication du décret sur la programmation de l’énergie 

L’absence de projet de loi pour réviser la programmation pluriannuelle de l’énergie a braqué de nombreux élus, notamment à gauche mais aussi à droite de l’échiquier politique. Ce mardi, devant le Sénat, le Premier ministre s’est engagé à tenir compte des avis de chacun avant la publication d’un décret déjà décrié sur la stratégie énergétique de la France.
Romain David

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Un peu plus d’une semaine après l’Assemblée nationale, c’est devant un hémicycle du Sénat à peine plus rempli que s’exprimait le Premier ministre François Bayrou, ce mardi 6 mai pour le second temps d’un débat sans vote autour de la stratégie énergétique de la France. « Cette programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) n’est pas écrite à l’avance. Toutes les analyses seront prises en compte avant sa rédaction finale », a promis le chef du gouvernement, alors que l’exécutif a finalement choisi de passer par un décret pour réviser les objectifs de la période 2025-2035, au grand dam des parlementaires qui réclament un projet de loi, tel que prévu par le cadre législatif.

François Bayrou a voulu alerter sur « l’état d’urgence énergétique de la France », encore trop dépendante des énergies fossiles. « 60 % de l’énergie consommée provient des énergies fossiles des hydrocarbures que nous importons, pour 40 % du pétrole et pour 20 % du gaz », a-t-il rappelé. Cette situation place le pays en situation de vulnérabilités stratégique vis-à-vis des pays exportateurs, notamment les Etats-Unis et les pays du Golfe, mais renforce aussi le déséquilibre de la balance commerciale, pour partie plombée par les importations d’hydrocarbures.

Un « socle » nucléaire

Comme il l’a déjà fait devant les députés, le locataire de Matignon a rappelé les objectifs qui devront figurer dans le décret, à savoir ramener la part des énergies fossiles dans la consommation énergétique d’environ 60 % en 2023 à 42 % en 2030, puis 30 % en 2035. Et ce afin d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. « Le socle de notre mix électronique doit être la production nucléaire », a-t-il assuré, vantant une énergie « décarbonée, souveraine, abondante et compétitive ».

En rupture avec la précédente PPE, la nouvelle programmation devrait acter la relance de la filière nucléaire voulue par Emmanuel Macron, avec la construction d’au moins six nouveaux EPR2. Dans le même temps, l’exécutif entend monter en puissance sur les énergies renouvelables, notamment avec le déploiement de l’éolien en mer.

François Bayrou a également confirmé que le décret ne serait pas publié avant l’examen, mi-juin, de la proposition de loi « portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie » du sénateur LR Daniel Gremillet. Ce texte, déjà adopté par le Sénat en 2024, présente une « convergence » avec la ligne défendue par l’exécutif, a assuré le Premier ministre.

Daniel Gremillet et le député Antoine Armand ont d’ailleurs été chargés par François Bayrou de conduire un groupe de travail parlementaire dont la mission et de proposer des pistes d’amendement au décret de programmation.

La droite s’inquiète de la place accordée aux énergies renouvelables

À la tribune ce mardi, le sénateur des Vosges a estimé qu’en l’état, le texte du gouvernement manquait encore d’ambition sur le nucléaire. « Trois après le discours d’Emmanuel Macron à Belfort, il faut sortir de l’attentisme. Les réacteurs nucléaires annoncés restent de l’ordre du discours. Ils ne figurent ni dans le cadre législatif, ni dans le cadre nucléaire », a pointé Daniel Gremillet. Une critique reprise par la plupart des groupes de droite et du centre, ciblant également la trop large part accordée, selon eux, aux énergies renouvelables.

« Monsieur le Premier ministre, j’ai l’espoir avec vous de retrouver enfin un peu de bon sens. Cette PPE, c’est la feuille de route finale des lobbyistes des énergies renouvelables, sans véritable décarbonation », a ainsi épinglé le sénateur Horizons Vincent Louault.

« La PPE ne participe aucunement d’une logique de décroissance », a voulu rassurer Marc Ferracci, le ministre délégué chargé de l’Energie. « Certes l’objectif de consommation énergétique global baisse entre 2022 et 2035 […], mais cette baisse ne signifie absolument pas que l’on s’inscrit dans une logique qui vaudrait limitation de la production et de l’emploi. »

« Une situation flagrante de déni démocratique »

De son côté, la gauche a largement brocardé la méthode retenue par le gouvernement. « L’exécutif ne s’est conformé ni à la lettre ni à l’esprit de la Constitution. Nous sommes dans une situation flagrante de déni démocratique et de contournement des institutions de la République ! », a accusé le socialiste Franck Montaugé. Cet élu estime, par ailleurs, que « de nombreuses questions fondamentales ne trouvent pas de réponses dans les démarches actuelles. »

 Votre méthode, c’est de rester au point mort et d’appuyer fort sur l’accélérateur. Comme dans une voiture, ça fait du bruit, le moteur ronfle, ça crée de l’agitation mais l’on n’avance pas d’un mètre 

Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis

Le communiste Fabien Gay, orateur de son groupe sur les questions énergétiques, a dénoncé « un immobilisme politique orchestré par les derniers gouvernements, qui naviguent à vue entre compromissions, reculades, et une non-vision stratégique de long terme ». « Votre méthode, c’est de rester au point mort et d’appuyer fort sur l’accélérateur. Comme dans une voiture, ça fait du bruit, le moteur ronfle, ça crée de l’agitation mais l’on n’avance pas d’un mètre », a-t-il raillé.

Il a également appelé à « sortir l’électricité du secteur marchand ». « Avec le dispositif qui va remplacer l’Arenh, c’est au minimum 10 % d’augmentation qui attend les usagers au 1er février 2026 », a-t-il pointé. « Les simulations dont nous disposons n’indiquent absolument pas d’augmentation des prix », lui a répondu Marc Ferracci.

De son côté, l’écologiste Yannick Jadot a estimé que le gouvernement et la majorité sénatoriale de droite et du centre étaient trop focalisés sur l’énergie nucléaire. « La raison n’est pas toujours présente dans cet hémicycle quand on parle de nucléaire », a-t-il taclé. « L’urgence économique et écologique exige de rééquilibrer notre mix avec des politiques puissantes de sobriété d’un côté, et de déploiement massif des énergies renouvelables de l’autre », a estimé l’ancien candidat à la présidentielle.

Partager cet article

Dans la même thématique

Paris : Senatorial examination and vote of the Social Security Financing Bill
4min

Parlementaire

Fast fashion : la commission mixte paritaire repoussée à l’automne, les socialistes demandent des garanties au gouvernement

Le groupe socialiste du Sénat regrette la décision du gouvernement de décaler à l’automne les discussions en commission mixte paritaire sur la proposition de loi fast fashion. Après son adoption à l’unanimité le 10 juin dernier, les socialistes accusent le gouvernement de ne pas se saisir de l’urgence du texte et de sa nécessité.

Le

François Bayrou tente de rassurer le Sénat avant la publication du décret sur la programmation de l’énergie 
3min

Parlementaire

Alpes 2030 : « Les JO d’hiver ont plus de risque d’être déficitaires que les JO d’été », selon Jean-Michel Arnaud

Un projet de loi relatif à l’organisation des Jeux olympiques d’hiver dans les Alpes françaises en 2030 est débattu à partir de ce mardi 24 juin au Sénat. Urbanisme, sécurité : de nombreuses mesures seront abordées dans ce texte, y compris sur le plan budgétaire. « Pour pouvoir se projeter sur un coût définitif, il faut qu’on ait la totalité de la carte des sites », souligne son rapporteur, Jean-Michel Arnaud.

Le

Le Mans – Monuments
4min

Parlementaire

Un rapport sénatorial souhaite relancer le « Fabriqué en France »

Présenté ce mercredi au Sénat, le nouveau rapport de la délégation aux entreprises souhaite faire du « fabriqué en France », une nouvelle « compétitivité patriotique ». Selon les rapporteurs, ce retour à la consommation française doit passer par une lutte contre la contrefaçon et une hausse de la commande publique tout en redéfinissant le « fabriqué en France ».

Le