Loi séparatisme : « On a laissé l’islamisme pénétrer l’école », selon Jean-Pierre Obin

Loi séparatisme : « On a laissé l’islamisme pénétrer l’école », selon Jean-Pierre Obin

Jean-Pierre Obin était auditionné, ce mercredi, par la commission culture du Sénat, qui examine actuellement la loi séparatisme, présentée par le gouvernement. Pour cet ancien inspecteur général de l’Education nationale, l’école serait menacée par « l’islamisme » et des « atteintes croissantes à la laïcité ».
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Son constat se veut sévère et, à certains égards, catastrophique. « Chaque jour, de nouveaux travaux montrent que la situation s’aggrave dans l’école », estime l’ancien inspecteur général de l’Education nationale, Jean-Pierre Obin, « La laïcité a perdu une bataille vis-à-vis de la jeunesse musulmane, qui est de plus en plus et très largement pénétrée par l’idéologie islamiste. » Un discours qui a conquis la droite sénatoriale.

Auteur du livre « Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école » (Editions Hermann, 2020), Jean-Pierre Obin a été chargé, par le ministre Jean-Michel Blanquer, d’une mission destinée à harmoniser et améliorer la formation à la laïcité des enseignants.

Son audition par le Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de « loi séparatisme », a dès lors consisté à expliquer comment l’islamisme aurait pris le pas sur les valeurs de la République dans certains établissements scolaires.

Jean-Pierre Obin a commencé son exposé en soulignant l’émergence de revendications religieuses en France, depuis « l’affaire des foulards de Creil » en 1989. Cette année-là, l’exclusion de trois collégiennes, refusant d’ôter leur voile, suscite une vive polémique : « C’est le premier signe, qu’on ne sait pas interpréter, de l’arrivée dans les quartiers d’un certain nombre de prédicateurs qui endoctrinent des jeunes, et notamment des jeunes filles », affirme Jean-Pierre Obin.

Un rapport « enterré »

S’ensuit, au cours des années 1990, la montée en puissance des mouvements islamistes, nés dans le sillage de la guerre civile algérienne. C’est à ce moment-là que Jean-Pierre Obin est nommé au poste d’inspecteur général de l’Education nationale. Il observe l’apparition, dès 1996, de ce que l’on a appelé le « nouvel antisémitisme », nourri par des populations notamment musulmanes.

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« Un Principal m’explique alors que ses derniers élèves juifs ont été forcés de quitter le collège », raconte aux sénateurs l’ancien fonctionnaire, qui dénonce « l’omerta des services académiques » : « [Ils] recasent ces élèves de la façon la plus discrète possible sans que jamais ce scandale ne soit mis sur la place publique. »

Au milieu des années 2000, Jean-Pierre Obin rédige un rapport qui lui vaudra, pour certains, son titre de « lanceur d’alerte ». Déjà à l’initiative des réflexions qui mèneront à l’interdiction des signes religieux à l’école, l’inspecteur général a « l’intuition que la question du voile, qui polarise l’attention publique, n’est que l’arbre qui cache la forêt ». L’inspecteur général va rédiger à ce propos un rapport, « qui sera enterré par le ministre de l’Education nationale de l’époque, François Fillon ».

Ce rapport est exhumé par Manuel Valls à la suite des attentats de 2015 : « Tout était déjà là », déclare en conférence de presse le Premier ministre de l’époque. Jean-Pierre Obin ajoute devant les sénateurs : « La situation n’a fait qu’empirer. »

Une « autocensure » chez les enseignants

L’inspecteur général à la retraite va citer, au cours de son audition au Sénat, une série de sondages à l’appui de sa démonstration. « Un quart des musulmans de France adopte des valeurs contraires à celles de la République », explique-t-il, citant les travaux de l’Institut Montaigne. « Mais, ce qu’on n’a pas dit à l’époque, c’est que cette proportion s’élève à 50 % chez les 15-24 ans. » Jean-Pierre Obin souligne cette « rupture générationnelle », relevée par plusieurs sondages sur ces questions.

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Cette « pénétration de l’islamisme » induirait de fait une « autocensure » chez les enseignants : « 37 % des enseignants déclaraient en 2016 s’être déjà autocensurés », insiste Jean-Pierre Obin. Le chiffre montait à 50 % parmi les plus jeunes professeurs. Et cette proportion n’aurait cessé de monter à la suite de l’assassinat de Samuel Paty : « Ce n’est pas qu’ils ont rencontré des contestations, mais qu’ils ont peur de possibles incidents », remarque l’inspecteur général à la retraite.

Jean-Pierre Obin insiste donc sur le traitement des signalements réalisés par les professeurs, même s’ils ne « sont que la partie émergée de l’iceberg ». Selon lui, bon nombre d’enseignants renonceraient à signaler les « entorses à la laïcité », en raison de « l’omerta » instituée par leur hiérarchie. Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a créé une plateforme dédiée et anonyme pour briser le silence.

L’université, dominée par « l’islamo-gauchisme »

« La plupart [des enseignants] sont prêts à se battre », affirme le sénateur (LR) des Pyrénées-Atlantiques, Max Brisson. « Mais il faut les armer. Et, incontestablement, ils n’ont pas le bagage et la formation pour cela. » Mais Jean-Pierre Obin doute de la volonté des formateurs de s’engager dans ce « combat ».

« La formation des enseignants a été déléguée à l’université », note l’ancien inspecteur général. Or, « le problème majeur [est] un certain nombre d’idéologies venues des Etats-Unis qui pervertissent totalement la recherche française et qui imposent une doxa à l’ensemble des départements de sciences humaines ».

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Des recherches se développent aujourd’hui, y compris dans les instituts de formations des professeurs, sur les « discours islamophobes que masque la laïcité » : « On m’a signalé hier que ces laboratoires de recherche […] engageaient les étudiants, futurs enseignants, dans des mémoires qui consistaient à aller observer dans les classes le discours islamophobe des professeurs », raconte Jean-Pierre Obin. « Les bras m’en tombent. »

Des études contestées par le groupe communiste

S’appuyant le discours de la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, sur « l’islamo-gauchisme », il préconise donc de confier la formation des futurs enseignants à des formateurs « contrôlés » par l’Education nationale.

Une nécessité d’autant plus urgente, selon lui, que ces discours seraient de plus en plus partagés dans 15-25 ans. D’après un récent sondage de l’Ifop pour la Licra, « 80 à 90 % des lycéens musulmans » expriment « une conception punitive de la laïcité » : « Ils estiment qu’elle est faite pour les contraindre, eux les musulmans, et qu’elle serait une marque – je n’aime pas trop ce terme, mais il est pratiqué – d’islamophobie. » Encore « plus inquiétant peut-être », selon Jean-Pierre Obin, « les autres lycéens, non-musulmans, les suivent dans cette appréciation ».

Faisant l’amalgame entre la dénonciation d’une potentielle instrumentalisation politique de laïcité, d’une part, et le rejet des valeurs démocratiques par une partie de la communauté musulmane, d’autre part ; l’ancien inspecteur général de l’Education nationale a prêté le flanc à la critique des élus communistes.

Pierre Ouzoulias, vice-président de la commission culture et élu des Hauts-de-Seine, a brandi une enquête statistique sur 16 000 élèves montrant leur « très forte adhésion aux principes de laïcité, à 90 % en 3e et 91 % au lycée » : « Peut-être que tous ces chiffres sont faux, mais j’aimerais – en tant que sénateur – pouvoir confronter des chiffres avec la même valeur statistique », a demandé le sénateur communiste. Sa question est restée sans réponse de la part de Jean-Pierre Obin.

Un « séparatisme parmi les enseignants »

L’ancien haut fonctionnaire a cependant souligné la nécessité d’en « revenir à une dimension juridique » pour expliquer la différence entre une société sécularisée, libérée des dogmes religieux, et un Etat laïque, tel que défini par la loi de 1905.

A l’entendre, la jeunesse française serait acquise à une conception anglo-saxonne de la place de la religion dans la société. « Une majorité de lycéens demande la levée de toutes les contraintes liées à la religion dans les établissements scolaires », note l’ancien inspecteur général sur la foi du sondage de l’Ifop pour la Licra. « Ils s’expriment même pour que les fonctionnaires et les enseignants puissent manifester leur religion dans leur exercice professionnel. »

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Cette étude serait d’autant plus inquiétante, selon lui, qu’elle ferait écho à certains témoignages attestant d’un « séparatisme parmi les enseignants » : « D’après les chiffres du ministère, 11 % des auteurs [d’atteintes à la laïcité] sont des personnels de l’éducation nationale », explique Jean-Pierre Obin. « En général, ces incidents visent les élèves musulmans pour les rappeler à la religion. A la cantine par exemple, une dame de service dit à un élève : 'Tu mange du porc toi ? Mais ta religion te l’interdit.' »

Faut-il donc que ces fonctionnaires prêtent serment avant d’entrer en fonction ? « Toute la question est dans la sincérité du serment », souffle Jean-Pierre Obin.

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